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    L'ÉVOLUTION DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE AUX ÉTATS-UNIS : LEÇONS POUR L'ASSURANCE EUROPÉENNE Empty L'ÉVOLUTION DE LA RESPONSABILITÉ CIVILE AUX ÉTATS-UNIS : LEÇONS POUR L'ASSURANCE EUROPÉENNE

    مُساهمة من طرف Admin الإثنين أبريل 19, 2010 4:32 pm

    L'ÉVOLUTION DE LA RESPONSABILITÉ
    CIVILE AUX ÉTATS-UNIS :
    LEÇONS POUR L'ASSURANCE EUROPÉENNE



    Patrick
    M. Liedtke
    Secrétaire général et directeur général de l'Association de Genève (1)


    Le secteur de l'assurance est
    très sensible aux évolutions dans le domaine de la responsabilité civile :
    la croissance très dynamique des montants des sinistres de responsabilité
    civile depuis les années 1950 provoque une hausse constante des coûts. Cela
    devrait déjà suffire pour perturber ce marché où la hausse des cotisations n'a
    pas suffi à compenser l'inflation des sinistres et où les provisions techniques
    supplémentaires ont été nécessaires, dans un certain nombre de cas, pour les
    années antérieures de souscription. Ajoutons à cela le fait que la plupart des
    acteurs du marché s'attendent à ce que cette tendance à la hausse se poursuive
    et, ainsi, la raison pour laquelle le secteur est si perturbé apparaît
    évidente.
    Le métier de la souscription est rendu encore plus difficile par le fait qu'une
    grande partie de la volatilité provient du caractère parfois irrégulier et
    « affectif » des dommages-intérêts accordés par les jurys, tout
    particulièrement ceux situés dans la partie haute de la fourchette qui sont
    difficilement prévisibles par quiconque. Il en résulte un ensemble complexe de
    facteurs de grande incertitude qui rend toute estimation des engagements
    futurs, et donc des exigences en termes de provisions, extrêmement délicate.
    Au-delà de ces questions plus techniques, le secteur de l'assurance se sent
    généralement incompris par la société lorsqu'il s'agit des sinistres de
    responsabilité civile qui font l'objet d'un fort intérêt médiatique, tout
    particulièrement dans les cas où des facteurs affectifs entrent en compte. De
    plus, les assureurs pensent qu'eux-mêmes, ainsi que les dimensions de
    solidarité et de partage des risques qui caractérisent le mécanisme
    d'assurance, sont exploités par les avocats. Aux yeux de la profession, ces
    derniers sont soupçonnés de détourner ce mécanisme à leurs propres fins.


    Pourquoi des régimes de responsabilité civile ?


    En tant que principale
    institution de recherche en assurance, pourquoi l'Association de Genève
    s'intéresse-t-elle aux questions qui portent sur les régimes de responsabilité
    civile ? C'est certainement une question très pertinente pour le secteur
    de l'assurance et sa dimension est mondiale. Par ailleurs, elle joue un rôle
    primordial dans l'évolution à venir de nos systèmes économiques et sociaux, où
    l'on peut d'ailleurs observer une tendance générale vers davantage de
    responsabilité sur des périodes de plus en plus longues. Les mécanismes
    d'évaluation des dommages, surtout lorsque ceux-ci ne sont pas physiques, et
    les indemnisations qui en résultent, ne constituent pas uniquement un problème
    d'assurance : ils concernent tout le monde. Pour le secteur de
    l'assurance, ils touchent les principaux acteurs du marché qui souscrivent ces
    risques, mais la plupart des autres secteurs ne pourraient pas fonctionner
    correctement s'il n'existait pas de solutions adaptées aux responsabilités
    qu'ils assument dans le cadre de leurs activités. Les problèmes sont également
    le plus souvent de nature stratégique, tant pour l'assureur que pour l'assuré.


    D'après nous, le niveau
    actuel de connaissance et de compréhension des problèmes nombreux et très
    complexes liés la responsabilité civile est insuffisant. Le débat sur la
    manière d'aborder les défis, et d'arriver à des solutions qui satisfassent
    toutes les parties impliquées directement ou indirectement dans les cas de
    responsabilité civile, doit être renforcé. La création d'un comité spécial de
    planification des régimes de responsabilité civile et l'organisation d'un cycle
    de conférences sont destinées à atteindre cet objectif de façon intégrée en
    encourageant le dialogue avec les parties concernées. Le secteur de l'assurance
    n'est pas le seul acteur qui puisse – et doive – agir pour apporter
    une réponse au problème des sinistres de responsabilité civile. Davantage de
    parties prenantes doivent intervenir dans ce processus.


    Responsabilité civile : la tendance aux États-Unis


    Au sein des marchés de
    l'assurance, les acteurs sont plus sensibilisés à l'augmentation de la
    fréquence et du volume des sinistres de responsabilité civile. Dans sa récente
    publication intitulée Sigma (2004), Swiss Re estime « que les
    coûts des sinistres de responsabilité civile augmentent plus vite que
    l'activité économique globale dans la plupart des grandes économies. Des
    estimations de long terme suggèrent que les sinistres augmentent de 1,5 à 2
    fois plus vite que le PIB nominal [...]
    ». C'est, a priori, le système
    américain qui dispose des coûts des sinistres de responsabilité civile les plus
    élevés au monde. Swiss Re affirme que « les sinistres de responsabilité
    professionnelle sont 2 à 3 fois plus élevés aux États-Unis qu'en Europe en proportion du PIB
    ». Ils citent les
    données de la NISA
    National Insurance Supervisory Authority »), l'autorité
    nationale de surveillance du secteur de l'assurance, qui estime que la part des
    sinistres de responsabilité civile des États-Unis est de 80 % sur les dix
    plus grands marchés d'assurance non-vie mondiaux (67 milliards de dollars sur
    un total de 84 milliards de dollars) et que la part de la responsabilité
    automobile est de 57 % (86,4 milliards de dollars sur un total de 151,9
    milliards de dollars).


    Tillinghast-Towers Perrin
    (2003) a analysé les coûts du système américain de la responsabilité civile.
    Dans leur dernière actualisation, ils notent qu'« aux niveaux actuels,
    les coûts de la responsabilité civile aux États-Unis sont équivalents à un
    impôt de 5 % sur les salaires. Le système américain de la responsabilité
    civile a coûté 233 milliards de dollars en 2002, soit 809 dollars par personne,
    c'est-à-dire 87 $ de plus qu'en 2001. En comparaison, ce coût atteignait
    12 dollars par personne en 1950.
    » Ils estiment à 14,4 % le taux
    de croissance des coûts de la responsabilité civile aux États-Unis pour l'année
    2001 et à 13,3 % pour l'année 2002, dépassant largement la croissance du
    PIB. Ils notent également que « en tant que méthode d'indemnisation des
    victimes, le système américain de la responsabilité civile est très peu
    efficace car il ne crédite que 50 % des sommes aux victimes et n'indemnise
    que 22 % de la perte économique réelle
    ». Ce dernier point est
    source de désillusion pour beaucoup de gens et conduit à des commentaires
    fréquents sur les échecs du système et le besoin de réforme.


    D'un point de vue purement
    technique, la hausse du coût des indemnisations ne pose pas de problème aux
    sociétés d'assurances, à condition qu'elles puissent :


    • estimer
      leur évolution future ;
    • provisionner
      suffisamment en vue d'évolutions négatives.



    On peut même affirmer que le
    domaine de la responsabilité civile offre de nombreuses opportunités, puisque
    c'est un secteur qui croît beaucoup plus vite que la moyenne et qu'il ouvre par
    conséquent de nouveaux marchés.


    Ce qui inquiète le secteur de
    l'assurance, c'est que l'évolution du coût des sinistres de responsabilité
    civile est beaucoup plus dynamique que prévu, surtout au moment d'assurer un
    risque à long terme. L'intensité inattendue de ce développement et le niveau
    insuffisant de provisionnement des risques qui en découle ont causé des
    problèmes importants pour certains assureurs. En outre, la volatilité des
    dommages-intérêts accordés par le jury, parfois irréguliers,
    « affectifs » et très coûteux, est négative pour l'environnement
    opérationnel.


    De plus, l'environnement juridique
    a radicalement changé. Dans certains cas, le système de responsabilité civile
    aux États-Unis s'est éloigné de l'approche traditionnelle de faute et
    remboursement. Parmi les principes nouveaux et de plus en plus répandus, on
    trouve :


    • « responsabilité
      sans faute » (au-delà du concept de mise en danger implicite) comme,
      par exemple, les sinistres liés à l'amiante touchant des acheteurs de
      biens immobiliers peu méfiants ;
    • « sinistres
      sans préjudice » comme, par exemple, sur les marchés financiers via
      le concept de « fraude contre le marché » ;
    • « sinistres
      importants sans raison » comme, par exemple, ceux reposant sur des
      contacts avec de l'amiante sans indication médicale ou développement
      pathologique supplémentaire.



    Certains observateurs du
    système juridique américain prétendent que celui-ci passe d'un système de faute
    et récompense à un système essentiellement concentré sur la distribution de
    richesses.


    En réalité, c'est la nature
    même du système de production juridique qui constitue le changement le plus
    inquiétant. Dans une configuration classique, une affaire cherchait à être
    résolue ; aujourd'hui c'est la résolution qui cherche des procès
    potentiels. Les cabinets d'avocats américains notamment, mais également de plus
    en plus d'autres cabinets du monde entier, ont restructuré leurs modèles
    d'entreprise. Ils se considèrent comme des entrepreneurs qui utilisent les
    mêmes instruments et processus que d'autres secteurs : la standardisation
    des produits et des services, les économies d'échelle, la réduction des coûts
    administratifs, les efforts de commercialisation, le développement de
    l'activité et la planification stratégique des investissements, pour n'en citer
    que quelque-uns. Ils réinvestissent désormais les produits des précédentes
    affaires et sont devenus aussi agressifs et efficaces que les acteurs des
    autres domaines dans l'identification de nouvelles opportunités. Rajouter une
    autre affaire à une grande action de groupe a un coût marginal
    négligeable ; en conséquence, ce type de recours est devenu l'un des
    instruments préférés du secteur juridique. Cette révolution du système de
    production est aussi importante pour les professions juridiques que l'a été le
    taylorisme pour le secteur automobile, avec des conséquences semblables pour
    nos économies.


    Le système juridique
    américain qui autorise « le choix du lieu du procès », ainsi que
    d'autres techniques destinées à maximiser les dommages-intérêts, a induit une
    hausse du coût des sinistres. De nos jours, le lieu du procès est l'une des
    variables les plus importantes influant sur la manière dont une affaire sera
    résolue et sur le montant des dommages qui seront versés. Il n'est pas étonnant
    que la partie adverse fasse des efforts croissants afin de sélectionner ou
    d'éviter certaines localités. Le développement du système juridique par le
    biais des juges et des jurés, qui ne sont généralement pas formés aux affaires
    économiques, et encore moins en assurance, pose problème. Lorsque le cadre pour
    de futures activités (et de futures exclusions !) est défini par des
    personnes qui – parce que le système n'a pas été mis en place de manière
    adéquate – ne comprennent souvent pas les implications plus larges de
    certaines de leurs décisions, nous ne devons pas nous étonner que le résultat
    ne soit pas optimal.


    Environnement du coût des sinistres de responsabilité
    civile : le nouveau système juridique de production



    Nous devons prendre
    conscience que nous opérons dans un environnement de plus en plus différent au
    sein duquel les agents économiques ont des attentes et des priorités
    différentes lorsqu'ils interagissent. Non seulement la sphère juridique a
    changé : c'est aussi le cas de l'économie dans son ensemble. Ce sont
    l'émancipation de la production de biens physiques et le nouvel accent mis sur
    la performance dans le temps qui ont conduit à la nouvelle économie de services
    (Giarini, Liedtke, 1997) (Giarini, Sthahl, 2000) (2).
    Aujourd'hui, les clients et les partenaires commerciaux recherchent davantage
    de services, l'intensité de la maintenance augmente, les accords de crédit-bail
    sont plus courants, les droits d'utilisation associés à des services sont plus
    importants que la propriété. La qualité de service s'est probablement améliorée
    au cours des dernières décennies et la performance dans le temps est plus
    importante que la simple livraison de biens. Les garanties et les
    « promesses » sont inhérentes aux relations professionnelles et elles
    créent des zones d'ombre propices à d'éventuels litiges. L'externalisation et
    la mondialisation rallongent les chaînes de création de valeur, davantage de
    progrès internationaux et technologiques les rendent plus complexes, et tous les
    partenaires concernés comprennent aujourd'hui pleinement la notion de cascade
    de qualité. Dans un même temps, les relations professionnelles sont de plus en
    plus contractuelles, donc tout le monde est peut-être plus disposé à engager
    des poursuites. Une meilleure documentation des processus d'entreprise favorise
    les procès, plus particulièrement par le biais de l'usage de l'Internet, dont
    l'utilisation s'est généralisée et qui permet de rechercher des informations
    utiles dans les procès, créant parfois des problèmes d'interprétation plusieurs
    années après leur ouverture.

    D'un point de vue social, les aspects éthiques
    inhérents à la conduite des affaires ont pris de l'importance : il ne
    suffit plus d'être techniquement correct, mais il faut également être considéré
    comme éthiquement correct (c'est-à-dire honnête, équitable). Le comportement
    socialement responsable est essentiel pour entretenir de bonnes relations, non
    seulement avec les clients et les partenaires commerciaux mais également avec
    les médias et le système juridique. La transparence doit être le moteur de
    progrès du nouveau système économique. Dans ce nouvel environnement, la
    responsabilité n'est plus liée au simple risque d'entreprise. La responsabilité
    sociale est devenue une nouvelle source de responsabilité civile et, comme nous
    l'avons précisé un peu plus haut, l'affinité sociale envers les procès est en
    hausse. Il existe davantage de clients informés et proactifs qui ont créé leurs
    propres organisations spécialisées destinées à défendre leurs intérêts. L'accès
    généralement plus facile au système juridique (qui inclut un accès plus large à
    la protection juridique offerte par les assureurs !) contribue à ce
    développement, tout comme l'utilisation d'outils nouveaux destinés à réduire le
    risque (coût) du demandeur dans le cas d'un procès perdu, incitent
    l'ayant-droit à trouver une solution juridique pour faire valoir ses droits. Le
    nouvel équilibre gain/perte pour les demandeurs et leurs avocats (surtout par
    le biais du regroupement de sinistres) favorise l'augmentation du nombre de
    procès. L'utilisation d'instruments autres que juridiques voit le jour dans les
    processus : l'usage ciblé et étendu des médias afin de créer un certain
    climat pour les procès-vedettes et le « développement de l'affectif »
    dans les procès, ont pour objectif d'apporter une dimension supplémentaire à
    l'analyse rationnelle et contractuelle
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    مُساهمة من طرف Admin الإثنين أبريل 19, 2010 4:33 pm

    Assurance et responsabilité civile : réflexions
    importantes et inquiétudes plus générales



    Le compromis de la certitude
    juridique constituera toujours un terrain fertile pour les procès :
    l'éternel équilibre existe entre le désir de précision, d'une part, et le
    besoin de généralisation, d'autre part. Tant qu'il existera un élément général
    susceptible d'être interprété, un procès potentiel se dessinera. Dans un même
    temps, il convient de noter que l'assurance elle-même contribue à produire
    davantage de procès. L'existence d'une couverture contre les coûts des procès
    n'est pas le seul élément qui augmente leur probabilité ; l'encadrement juridique
    des relations constitue également un bon point de départ. Le risque moral de
    poursuivre en justice et la mauvaise sélection d'assurés en litige ont des
    effets similaires. Cependant, l'une des principales motivations à poursuivre en
    justice les parties assurées provient de la création de « réserves
    importantes » sous la forme de provisions techniques faites par les
    assureurs. Les fonds bloqués pour couvrir un portefeuille de risques sont
    souvent considérés par les demandeurs comme une bonne cible – et ont été
    considérés comme des références, voire comme de « l'argent bon
    marché », par les juges et les jurés au moment de la définition des
    dommages-intérêts – car ils constituent une source d'indemnisation
    existante et disponible.


    Un autre aspect fondamental provient
    des décalages actuels dans le temps. Il peut s'écouler de nombreuses années
    entre la conclusion d'un contrat d'assurance et la résolution de la procédure
    de sinistres associée à un événement. Si ce décalage rend difficile le calcul
    des cotisations de risque adéquates, une absence de certitude juridique, même
    élémentaire, les rend impossible. L'environnement juridique peut avoir évolué
    entre-temps et l'intention première des parties ayant conclu un contrat
    d'assurance peut être traitée d'une façon complètement différente que celle prévue au moment de
    la souscription du risque. Cela est particulièrement évident lorsque de
    nouvelles normes sont appliquées de façon rétroactive. Citons par exemple le
    développement de la responsabilité civile environnementale chez les fabricants
    américains. Il est impossible pour les assureurs d'opérer dans un environnement
    dans lequel les variables essentielles de définition d'un risque sont soumises
    à des changements une fois la cotisation de risque calculée et convenue.


    Les sinistres de
    responsabilité civile, qui sont plafonnés dans la plupart des contrats
    d'assurance, jouent un rôle important lors de l'indemnisation des victimes.
    Cependant, c'est une chose de déterminer les événements déclencheurs et la
    valeur d'un contrat d'assurance, mais c'en est une autre de pouvoir les
    comparer à la responsabilité civile générale de l'opérateur d'un système. Il
    est généralement admis qu'une personne est tenue responsable de toute blessure
    et dommage qu'elle cause et, ce, de façon illimitée. Cela n'est pas vrai dans
    le cas de la création d'entités à responsabilité limitée, comme les entreprises
    publiques qui disposent d'un montant limité de capital disponible. Une fois ce
    capital épuisé, cette organisation ne peut être tenue pour financièrement
    responsable. Ce problème est en partie géré lorsque l'on exige des entreprises
    (à responsabilité limitée) d'assurer leurs activités contre des sinistres
    justifiés induits par leurs activités.


    Aucune société d'assurances
    n'est disposée ou capable d'accepter une exposition illimitée au risque – sauf
    si la continuité de l'entreprise n'est pas un objectif et si l'organisation est
    disposée à parier toute la valeur de l'entreprise sur l'occurrence d'un
    événement assuré qui pourra conduire à l'utilisation de tous ses fonds et donc
    à l'insolvabilité.


    D'un point de vue économique,
    nous nous heurtons là à un problème intéressant d'asymétrie : la
    différence entre une personne privée – dont la responsabilité est en principe
    illimitée (au point qu'une législation pourrait conclure qu'elle est en
    situation de faillite personnelle, situation difficilement atteignable dans de
    nombreux pays) – et une entreprise – dont la responsabilité est
    limitée par la solidité financière de son bilan (3).


    Nous devrons examiner ces
    asymétries lorsque nous aborderons les problèmes à venir, surtout lorsqu'il
    s'agira des questions de responsabilité civile. De plus, nous devrons imaginer
    des solutions plus adaptées et plus efficaces pour faire face à des évènements
    de grande ampleur qui sont rares et imprévus.


    Pourquoi s'inquiéter de la situation en Europe ?


    Si ce phénomène touche essentiellement
    les États-Unis, pourquoi s'inquiéter de la situation en Europe ?
    À cause de l'influence omniprésente et importante des États-Unis à travers le
    monde. La transmission d'une importante activité de responsabilité civile à
    travers le monde est favorisée par l'interaction des principes exportés par les
    États-Unis et la jurisprudence domestique d'un pays. Il semble qu'il y ait en Europe une reproduction (encore faible) des catalyseurs
    économiques du système américain de responsabilité civile. Prenons, par
    exemple, l'utilisation de techniques de regroupement de sinistres dans les
    juridictions locales, qui peuvent servir d'alternatives pratiques aux actions
    de groupe. Citons, sinon, la tolérance des tribunaux et des systèmes politiques
    vis-à-vis des changements de comportement dans la profession juridique qui
    permet à l'avocat de l'ayant-droit d'obtenir des récompenses très élevées. De
    plus, les avocats ont besoin, et sont motivés à l'idée, de conquérir de
    nouveaux marchés en croissance.


    L'influence omniprésente des
    États-Unis se fait également ressentir dans la sphère économique. Elle est en
    partie liée aux effets immédiats de la mondialisation où les producteurs
    interagissent plus étroitement et où les clients s'impliquent davantage dans le
    commerce international. La diffusion du nouveau modèle d'entreprise, marqué par
    une priorité plus forte accordée aux clients et une orientation des clients
    vers les services, ajoutée à une augmentation des droits des consommateurs,
    crée les conditions préalables à davantage de sinistres de responsabilité
    civile en Europe. Les périodes de garantie
    plus longues des produits et des services, exigées par la nouvelle législation
    de l'Union européenne, rallongent la période pendant laquelle les questions de
    responsabilité surviennent, et les responsabilités croissantes des producteurs
    augmentent leur portée.


    Les préconditions nécessaires
    à une explosion de la responsabilité civile dans la sphère juridique sont de
    plus en plus présentes en Europe, les
    environnements sociaux et économiques passant progressivement à un système
    davantage axé sur la responsabilité. Si les obstacles culturels existants
    aujourd'hui sont supprimés et si le perfectionnement des techniques se
    poursuit, le monde commercial et le secteur de l'assurance doivent commencer à
    se soucier autant des potentiels de pertes pour l'Europe que pour les
    États-Unis. Aujourd'hui, le secteur de l'assurance ne s'est pas encore
    suffisamment protégé contre ces évolutions. Par conséquent, le potentiel de
    perte pour les assureurs est énorme.


    Les défis de demain


    Cependant, il y a également
    de bonnes nouvelles : les marchés en croissance sont généralement propices
    aux affaires. Dans un même temps, les marchés pas ou trop peu volatils ne sont
    pas propices à l'assurance. Par conséquent, la crise de la responsabilité
    civile aux États-Unis et son exportation dans d'autres régions du monde peut
    créer des opportunités commerciales pour les sociétés d'assurances qui
    comprennent les origines de cette évolution. On peut remarquer que les changements
    du système et des pratiques juridiques ne sont pas entièrement exogènes à un
    pays et peuvent être prévus dans le temps, une prévision d'ailleurs nécessaire
    pour l'assurabilité des risques. Cependant, ces risques doivent être gérables,
    c'est-à-dire que l'objectif doit être de garantir le contrôle quand le scénario
    du pire se produit.


    Malgré tout, il demeure
    certains problèmes, à savoir la crainte de risques dangereux qui n'ont pas été
    prévus (prévisibles) et qui ne laissent pas suffisamment de temps pour une
    sortie maîtrisée. À ce titre, le décalage et son contrôle sont cruciaux. Pour
    les risques de responsabilité civile, on peut affirmer que « le décalage
    constitue le véritable danger ». Nous pouvons déduire de ces réflexions
    certains défis auxquels font face les assureurs qui s'intéressent aux marchés
    de la responsabilité civile.


    Ils doivent :


    • mieux
      comprendre les évolutions juridiques aux États-Unis et les mécanismes
      possibles de transfert à d'autres régions (directs ou indirects) ;
    • protéger
      les activités contre les volatilités élevées/excessives ;
    • réduire
      les décalages temporels des porte-feuilles d'assurance ;
    • segmenter
      les risques selon des catégories plus maîtrisables afin de permettre une
      souscription plus précise ;
    • utiliser
      des clauses avec critère de « base réclamation » afin de
      contrôler l'exposition et réduire l'incertitude dans le temps ;
    • mieux
      aligner les intérêts de l'assuré et de l'assurance ;
    • formuler
      des stratégies de sortie qui protègent contre l'explosion du coût des
      sinistres dans le temps ;
    • intensifier
      la coopération avec les différents piliers du système juridique ;
    • changer
      la perception du public selon laquelle les prestations et réglements
      d'assurance ne génèrent pas de coûts pour la société.



    L'assurance et le défi de la
    responsabilité civile sont des sujets fascinants. Ils sont très complexes et
    exigeront de nouvelles solutions pour de nombreuses années à venir. Nous nous
    attaquons, en ce moment, à l'un des aspects de notre système économique,
    caractérisé par un nouvel ensemble de responsabilités d'acteurs et de nouveaux
    mécanismes, pour trouver des solutions qui protégent au mieux les intérêts et
    qui nous aident à réagir dans les cas où ils sont compromis. Les implications
    pour nos sociétés et le fonctionnement efficace de notre système économique
    sont importants. Les efforts engagés pour trouver des solutions équitables et
    durables, qui répondent aux différents besoins, doivent être à l'hauteur des
    enjeux.


    Notes








    1. (www.genevaassociation.org).
    La contribution repose sur les activités du Programme de recherche PROGRES de
    l'Association de Genève qui portent sur les questions juridiques, de
    réglementation et de surveillance, ainsi que sur les initiatives du Comité
    commun de Planification des régimes de responsabilité civile du secteur de
    l'assurance, auquel collaborent l'Association de Genève ainsi que cinq des
    principales sociétés d'assurances internationales (Munich Re, RSA, SCOR, Swiss
    Re et Zurich Financial Services).



    2. Voir
    bibliographie : plusieurs éditions en différentes langues.



    3. Remarque :
    un modèle industriel tel que celui du secteur aérien, qui fait faillite après
    que ses activités aient été interrompues pendant une courte période de temps
    seulement, constitue manifestement une grande vulnérabilité au sein du système
    économique.



    4. Bien que
    cela soit très difficile, voire impossible dans certains environnements
    juridiques, comme l'a démontré l'expérience française en 1990 de la « base
    réclamation » lorsqu'un tribunal a annulé l'application d'un critère de
    « base réclamation » dans un contrat d'assurance responsabilité
    construction (garantie décennale). Remarque : depuis l'adoption de
    « l'Amendement Hunault » en 2003, la situation en France a de
    nouveau changé.



    Bibliographie








    GIARINI, O., LIEDTKE, P., Le
    Futur du travail et le dilemne de l'emploi : analyse de l'emploi dans la
    nouvelle économie de service, (plusieurs éditions en différentes langues),
    1997ff.


    GIARINI, O., STAHEL, W., Die
    Performance-Gesellschaft – Chancen und Risken beim Übergang zur Service
    Economy, 2000.


    SWISS RE, L'économie des
    sinistres de responsabilité civile – assurer une cible mouvante, Revue Sigma
    (disponible sur le site Internet de Swiss Re : www.swissre.com),
    n° 6, novembre, 2004.


    TILLINGHAST-TOWERS PERRIN,
    Coûts de la responsabilité civile aux États-Unis : actualisation 2003 –
    Tendances et conclusions sur les coûts du système américain de la
    responsabilité civile, 2003.

      الوقت/التاريخ الآن هو الأربعاء نوفمبر 27, 2024 12:29 pm