L'ÉVOLUTION DE LA RESPONSABILITÉ
CIVILE AUX ÉTATS-UNIS :
LEÇONS POUR L'ASSURANCE EUROPÉENNE
Patrick
M. Liedtke
Secrétaire général et directeur général de l'Association de Genève (1)
Le secteur de l'assurance est
très sensible aux évolutions dans le domaine de la responsabilité civile :
la croissance très dynamique des montants des sinistres de responsabilité
civile depuis les années 1950 provoque une hausse constante des coûts. Cela
devrait déjà suffire pour perturber ce marché où la hausse des cotisations n'a
pas suffi à compenser l'inflation des sinistres et où les provisions techniques
supplémentaires ont été nécessaires, dans un certain nombre de cas, pour les
années antérieures de souscription. Ajoutons à cela le fait que la plupart des
acteurs du marché s'attendent à ce que cette tendance à la hausse se poursuive
et, ainsi, la raison pour laquelle le secteur est si perturbé apparaît
évidente.
Le métier de la souscription est rendu encore plus difficile par le fait qu'une
grande partie de la volatilité provient du caractère parfois irrégulier et
« affectif » des dommages-intérêts accordés par les jurys, tout
particulièrement ceux situés dans la partie haute de la fourchette qui sont
difficilement prévisibles par quiconque. Il en résulte un ensemble complexe de
facteurs de grande incertitude qui rend toute estimation des engagements
futurs, et donc des exigences en termes de provisions, extrêmement délicate.
Au-delà de ces questions plus techniques, le secteur de l'assurance se sent
généralement incompris par la société lorsqu'il s'agit des sinistres de
responsabilité civile qui font l'objet d'un fort intérêt médiatique, tout
particulièrement dans les cas où des facteurs affectifs entrent en compte. De
plus, les assureurs pensent qu'eux-mêmes, ainsi que les dimensions de
solidarité et de partage des risques qui caractérisent le mécanisme
d'assurance, sont exploités par les avocats. Aux yeux de la profession, ces
derniers sont soupçonnés de détourner ce mécanisme à leurs propres fins.
Pourquoi des régimes de responsabilité civile ?
En tant que principale
institution de recherche en assurance, pourquoi l'Association de Genève
s'intéresse-t-elle aux questions qui portent sur les régimes de responsabilité
civile ? C'est certainement une question très pertinente pour le secteur
de l'assurance et sa dimension est mondiale. Par ailleurs, elle joue un rôle
primordial dans l'évolution à venir de nos systèmes économiques et sociaux, où
l'on peut d'ailleurs observer une tendance générale vers davantage de
responsabilité sur des périodes de plus en plus longues. Les mécanismes
d'évaluation des dommages, surtout lorsque ceux-ci ne sont pas physiques, et
les indemnisations qui en résultent, ne constituent pas uniquement un problème
d'assurance : ils concernent tout le monde. Pour le secteur de
l'assurance, ils touchent les principaux acteurs du marché qui souscrivent ces
risques, mais la plupart des autres secteurs ne pourraient pas fonctionner
correctement s'il n'existait pas de solutions adaptées aux responsabilités
qu'ils assument dans le cadre de leurs activités. Les problèmes sont également
le plus souvent de nature stratégique, tant pour l'assureur que pour l'assuré.
D'après nous, le niveau
actuel de connaissance et de compréhension des problèmes nombreux et très
complexes liés la responsabilité civile est insuffisant. Le débat sur la
manière d'aborder les défis, et d'arriver à des solutions qui satisfassent
toutes les parties impliquées directement ou indirectement dans les cas de
responsabilité civile, doit être renforcé. La création d'un comité spécial de
planification des régimes de responsabilité civile et l'organisation d'un cycle
de conférences sont destinées à atteindre cet objectif de façon intégrée en
encourageant le dialogue avec les parties concernées. Le secteur de l'assurance
n'est pas le seul acteur qui puisse – et doive – agir pour apporter
une réponse au problème des sinistres de responsabilité civile. Davantage de
parties prenantes doivent intervenir dans ce processus.
Responsabilité civile : la tendance aux États-Unis
Au sein des marchés de
l'assurance, les acteurs sont plus sensibilisés à l'augmentation de la
fréquence et du volume des sinistres de responsabilité civile. Dans sa récente
publication intitulée Sigma (2004), Swiss Re estime « que les
coûts des sinistres de responsabilité civile augmentent plus vite que
l'activité économique globale dans la plupart des grandes économies. Des
estimations de long terme suggèrent que les sinistres augmentent de 1,5 à 2
fois plus vite que le PIB nominal [...] ». C'est, a priori, le système
américain qui dispose des coûts des sinistres de responsabilité civile les plus
élevés au monde. Swiss Re affirme que « les sinistres de responsabilité
professionnelle sont 2 à 3 fois plus élevés aux États-Unis qu'en Europe en proportion du PIB ». Ils citent les
données de la NISA
(« National Insurance Supervisory Authority »), l'autorité
nationale de surveillance du secteur de l'assurance, qui estime que la part des
sinistres de responsabilité civile des États-Unis est de 80 % sur les dix
plus grands marchés d'assurance non-vie mondiaux (67 milliards de dollars sur
un total de 84 milliards de dollars) et que la part de la responsabilité
automobile est de 57 % (86,4 milliards de dollars sur un total de 151,9
milliards de dollars).
Tillinghast-Towers Perrin
(2003) a analysé les coûts du système américain de la responsabilité civile.
Dans leur dernière actualisation, ils notent qu'« aux niveaux actuels,
les coûts de la responsabilité civile aux États-Unis sont équivalents à un
impôt de 5 % sur les salaires. Le système américain de la responsabilité
civile a coûté 233 milliards de dollars en 2002, soit 809 dollars par personne,
c'est-à-dire 87 $ de plus qu'en 2001. En comparaison, ce coût atteignait
12 dollars par personne en 1950. » Ils estiment à 14,4 % le taux
de croissance des coûts de la responsabilité civile aux États-Unis pour l'année
2001 et à 13,3 % pour l'année 2002, dépassant largement la croissance du
PIB. Ils notent également que « en tant que méthode d'indemnisation des
victimes, le système américain de la responsabilité civile est très peu
efficace car il ne crédite que 50 % des sommes aux victimes et n'indemnise
que 22 % de la perte économique réelle ». Ce dernier point est
source de désillusion pour beaucoup de gens et conduit à des commentaires
fréquents sur les échecs du système et le besoin de réforme.
D'un point de vue purement
technique, la hausse du coût des indemnisations ne pose pas de problème aux
sociétés d'assurances, à condition qu'elles puissent :
On peut même affirmer que le
domaine de la responsabilité civile offre de nombreuses opportunités, puisque
c'est un secteur qui croît beaucoup plus vite que la moyenne et qu'il ouvre par
conséquent de nouveaux marchés.
Ce qui inquiète le secteur de
l'assurance, c'est que l'évolution du coût des sinistres de responsabilité
civile est beaucoup plus dynamique que prévu, surtout au moment d'assurer un
risque à long terme. L'intensité inattendue de ce développement et le niveau
insuffisant de provisionnement des risques qui en découle ont causé des
problèmes importants pour certains assureurs. En outre, la volatilité des
dommages-intérêts accordés par le jury, parfois irréguliers,
« affectifs » et très coûteux, est négative pour l'environnement
opérationnel.
De plus, l'environnement juridique
a radicalement changé. Dans certains cas, le système de responsabilité civile
aux États-Unis s'est éloigné de l'approche traditionnelle de faute et
remboursement. Parmi les principes nouveaux et de plus en plus répandus, on
trouve :
Certains observateurs du
système juridique américain prétendent que celui-ci passe d'un système de faute
et récompense à un système essentiellement concentré sur la distribution de
richesses.
En réalité, c'est la nature
même du système de production juridique qui constitue le changement le plus
inquiétant. Dans une configuration classique, une affaire cherchait à être
résolue ; aujourd'hui c'est la résolution qui cherche des procès
potentiels. Les cabinets d'avocats américains notamment, mais également de plus
en plus d'autres cabinets du monde entier, ont restructuré leurs modèles
d'entreprise. Ils se considèrent comme des entrepreneurs qui utilisent les
mêmes instruments et processus que d'autres secteurs : la standardisation
des produits et des services, les économies d'échelle, la réduction des coûts
administratifs, les efforts de commercialisation, le développement de
l'activité et la planification stratégique des investissements, pour n'en citer
que quelque-uns. Ils réinvestissent désormais les produits des précédentes
affaires et sont devenus aussi agressifs et efficaces que les acteurs des
autres domaines dans l'identification de nouvelles opportunités. Rajouter une
autre affaire à une grande action de groupe a un coût marginal
négligeable ; en conséquence, ce type de recours est devenu l'un des
instruments préférés du secteur juridique. Cette révolution du système de
production est aussi importante pour les professions juridiques que l'a été le
taylorisme pour le secteur automobile, avec des conséquences semblables pour
nos économies.
Le système juridique
américain qui autorise « le choix du lieu du procès », ainsi que
d'autres techniques destinées à maximiser les dommages-intérêts, a induit une
hausse du coût des sinistres. De nos jours, le lieu du procès est l'une des
variables les plus importantes influant sur la manière dont une affaire sera
résolue et sur le montant des dommages qui seront versés. Il n'est pas étonnant
que la partie adverse fasse des efforts croissants afin de sélectionner ou
d'éviter certaines localités. Le développement du système juridique par le
biais des juges et des jurés, qui ne sont généralement pas formés aux affaires
économiques, et encore moins en assurance, pose problème. Lorsque le cadre pour
de futures activités (et de futures exclusions !) est défini par des
personnes qui – parce que le système n'a pas été mis en place de manière
adéquate – ne comprennent souvent pas les implications plus larges de
certaines de leurs décisions, nous ne devons pas nous étonner que le résultat
ne soit pas optimal.
Environnement du coût des sinistres de responsabilité
civile : le nouveau système juridique de production
Nous devons prendre
conscience que nous opérons dans un environnement de plus en plus différent au
sein duquel les agents économiques ont des attentes et des priorités
différentes lorsqu'ils interagissent. Non seulement la sphère juridique a
changé : c'est aussi le cas de l'économie dans son ensemble. Ce sont
l'émancipation de la production de biens physiques et le nouvel accent mis sur
la performance dans le temps qui ont conduit à la nouvelle économie de services
(Giarini, Liedtke, 1997) (Giarini, Sthahl, 2000) (2).
Aujourd'hui, les clients et les partenaires commerciaux recherchent davantage
de services, l'intensité de la maintenance augmente, les accords de crédit-bail
sont plus courants, les droits d'utilisation associés à des services sont plus
importants que la propriété. La qualité de service s'est probablement améliorée
au cours des dernières décennies et la performance dans le temps est plus
importante que la simple livraison de biens. Les garanties et les
« promesses » sont inhérentes aux relations professionnelles et elles
créent des zones d'ombre propices à d'éventuels litiges. L'externalisation et
la mondialisation rallongent les chaînes de création de valeur, davantage de
progrès internationaux et technologiques les rendent plus complexes, et tous les
partenaires concernés comprennent aujourd'hui pleinement la notion de cascade
de qualité. Dans un même temps, les relations professionnelles sont de plus en
plus contractuelles, donc tout le monde est peut-être plus disposé à engager
des poursuites. Une meilleure documentation des processus d'entreprise favorise
les procès, plus particulièrement par le biais de l'usage de l'Internet, dont
l'utilisation s'est généralisée et qui permet de rechercher des informations
utiles dans les procès, créant parfois des problèmes d'interprétation plusieurs
années après leur ouverture.
D'un point de vue social, les aspects éthiques
inhérents à la conduite des affaires ont pris de l'importance : il ne
suffit plus d'être techniquement correct, mais il faut également être considéré
comme éthiquement correct (c'est-à-dire honnête, équitable). Le comportement
socialement responsable est essentiel pour entretenir de bonnes relations, non
seulement avec les clients et les partenaires commerciaux mais également avec
les médias et le système juridique. La transparence doit être le moteur de
progrès du nouveau système économique. Dans ce nouvel environnement, la
responsabilité n'est plus liée au simple risque d'entreprise. La responsabilité
sociale est devenue une nouvelle source de responsabilité civile et, comme nous
l'avons précisé un peu plus haut, l'affinité sociale envers les procès est en
hausse. Il existe davantage de clients informés et proactifs qui ont créé leurs
propres organisations spécialisées destinées à défendre leurs intérêts. L'accès
généralement plus facile au système juridique (qui inclut un accès plus large à
la protection juridique offerte par les assureurs !) contribue à ce
développement, tout comme l'utilisation d'outils nouveaux destinés à réduire le
risque (coût) du demandeur dans le cas d'un procès perdu, incitent
l'ayant-droit à trouver une solution juridique pour faire valoir ses droits. Le
nouvel équilibre gain/perte pour les demandeurs et leurs avocats (surtout par
le biais du regroupement de sinistres) favorise l'augmentation du nombre de
procès. L'utilisation d'instruments autres que juridiques voit le jour dans les
processus : l'usage ciblé et étendu des médias afin de créer un certain
climat pour les procès-vedettes et le « développement de l'affectif »
dans les procès, ont pour objectif d'apporter une dimension supplémentaire à
l'analyse rationnelle et contractuelle
CIVILE AUX ÉTATS-UNIS :
LEÇONS POUR L'ASSURANCE EUROPÉENNE
Patrick
M. Liedtke
Secrétaire général et directeur général de l'Association de Genève (1)
Le secteur de l'assurance est
très sensible aux évolutions dans le domaine de la responsabilité civile :
la croissance très dynamique des montants des sinistres de responsabilité
civile depuis les années 1950 provoque une hausse constante des coûts. Cela
devrait déjà suffire pour perturber ce marché où la hausse des cotisations n'a
pas suffi à compenser l'inflation des sinistres et où les provisions techniques
supplémentaires ont été nécessaires, dans un certain nombre de cas, pour les
années antérieures de souscription. Ajoutons à cela le fait que la plupart des
acteurs du marché s'attendent à ce que cette tendance à la hausse se poursuive
et, ainsi, la raison pour laquelle le secteur est si perturbé apparaît
évidente.
Le métier de la souscription est rendu encore plus difficile par le fait qu'une
grande partie de la volatilité provient du caractère parfois irrégulier et
« affectif » des dommages-intérêts accordés par les jurys, tout
particulièrement ceux situés dans la partie haute de la fourchette qui sont
difficilement prévisibles par quiconque. Il en résulte un ensemble complexe de
facteurs de grande incertitude qui rend toute estimation des engagements
futurs, et donc des exigences en termes de provisions, extrêmement délicate.
Au-delà de ces questions plus techniques, le secteur de l'assurance se sent
généralement incompris par la société lorsqu'il s'agit des sinistres de
responsabilité civile qui font l'objet d'un fort intérêt médiatique, tout
particulièrement dans les cas où des facteurs affectifs entrent en compte. De
plus, les assureurs pensent qu'eux-mêmes, ainsi que les dimensions de
solidarité et de partage des risques qui caractérisent le mécanisme
d'assurance, sont exploités par les avocats. Aux yeux de la profession, ces
derniers sont soupçonnés de détourner ce mécanisme à leurs propres fins.
Pourquoi des régimes de responsabilité civile ?
En tant que principale
institution de recherche en assurance, pourquoi l'Association de Genève
s'intéresse-t-elle aux questions qui portent sur les régimes de responsabilité
civile ? C'est certainement une question très pertinente pour le secteur
de l'assurance et sa dimension est mondiale. Par ailleurs, elle joue un rôle
primordial dans l'évolution à venir de nos systèmes économiques et sociaux, où
l'on peut d'ailleurs observer une tendance générale vers davantage de
responsabilité sur des périodes de plus en plus longues. Les mécanismes
d'évaluation des dommages, surtout lorsque ceux-ci ne sont pas physiques, et
les indemnisations qui en résultent, ne constituent pas uniquement un problème
d'assurance : ils concernent tout le monde. Pour le secteur de
l'assurance, ils touchent les principaux acteurs du marché qui souscrivent ces
risques, mais la plupart des autres secteurs ne pourraient pas fonctionner
correctement s'il n'existait pas de solutions adaptées aux responsabilités
qu'ils assument dans le cadre de leurs activités. Les problèmes sont également
le plus souvent de nature stratégique, tant pour l'assureur que pour l'assuré.
D'après nous, le niveau
actuel de connaissance et de compréhension des problèmes nombreux et très
complexes liés la responsabilité civile est insuffisant. Le débat sur la
manière d'aborder les défis, et d'arriver à des solutions qui satisfassent
toutes les parties impliquées directement ou indirectement dans les cas de
responsabilité civile, doit être renforcé. La création d'un comité spécial de
planification des régimes de responsabilité civile et l'organisation d'un cycle
de conférences sont destinées à atteindre cet objectif de façon intégrée en
encourageant le dialogue avec les parties concernées. Le secteur de l'assurance
n'est pas le seul acteur qui puisse – et doive – agir pour apporter
une réponse au problème des sinistres de responsabilité civile. Davantage de
parties prenantes doivent intervenir dans ce processus.
Responsabilité civile : la tendance aux États-Unis
Au sein des marchés de
l'assurance, les acteurs sont plus sensibilisés à l'augmentation de la
fréquence et du volume des sinistres de responsabilité civile. Dans sa récente
publication intitulée Sigma (2004), Swiss Re estime « que les
coûts des sinistres de responsabilité civile augmentent plus vite que
l'activité économique globale dans la plupart des grandes économies. Des
estimations de long terme suggèrent que les sinistres augmentent de 1,5 à 2
fois plus vite que le PIB nominal [...] ». C'est, a priori, le système
américain qui dispose des coûts des sinistres de responsabilité civile les plus
élevés au monde. Swiss Re affirme que « les sinistres de responsabilité
professionnelle sont 2 à 3 fois plus élevés aux États-Unis qu'en Europe en proportion du PIB ». Ils citent les
données de la NISA
(« National Insurance Supervisory Authority »), l'autorité
nationale de surveillance du secteur de l'assurance, qui estime que la part des
sinistres de responsabilité civile des États-Unis est de 80 % sur les dix
plus grands marchés d'assurance non-vie mondiaux (67 milliards de dollars sur
un total de 84 milliards de dollars) et que la part de la responsabilité
automobile est de 57 % (86,4 milliards de dollars sur un total de 151,9
milliards de dollars).
Tillinghast-Towers Perrin
(2003) a analysé les coûts du système américain de la responsabilité civile.
Dans leur dernière actualisation, ils notent qu'« aux niveaux actuels,
les coûts de la responsabilité civile aux États-Unis sont équivalents à un
impôt de 5 % sur les salaires. Le système américain de la responsabilité
civile a coûté 233 milliards de dollars en 2002, soit 809 dollars par personne,
c'est-à-dire 87 $ de plus qu'en 2001. En comparaison, ce coût atteignait
12 dollars par personne en 1950. » Ils estiment à 14,4 % le taux
de croissance des coûts de la responsabilité civile aux États-Unis pour l'année
2001 et à 13,3 % pour l'année 2002, dépassant largement la croissance du
PIB. Ils notent également que « en tant que méthode d'indemnisation des
victimes, le système américain de la responsabilité civile est très peu
efficace car il ne crédite que 50 % des sommes aux victimes et n'indemnise
que 22 % de la perte économique réelle ». Ce dernier point est
source de désillusion pour beaucoup de gens et conduit à des commentaires
fréquents sur les échecs du système et le besoin de réforme.
D'un point de vue purement
technique, la hausse du coût des indemnisations ne pose pas de problème aux
sociétés d'assurances, à condition qu'elles puissent :
- estimer
leur évolution future ; - provisionner
suffisamment en vue d'évolutions négatives.
On peut même affirmer que le
domaine de la responsabilité civile offre de nombreuses opportunités, puisque
c'est un secteur qui croît beaucoup plus vite que la moyenne et qu'il ouvre par
conséquent de nouveaux marchés.
Ce qui inquiète le secteur de
l'assurance, c'est que l'évolution du coût des sinistres de responsabilité
civile est beaucoup plus dynamique que prévu, surtout au moment d'assurer un
risque à long terme. L'intensité inattendue de ce développement et le niveau
insuffisant de provisionnement des risques qui en découle ont causé des
problèmes importants pour certains assureurs. En outre, la volatilité des
dommages-intérêts accordés par le jury, parfois irréguliers,
« affectifs » et très coûteux, est négative pour l'environnement
opérationnel.
De plus, l'environnement juridique
a radicalement changé. Dans certains cas, le système de responsabilité civile
aux États-Unis s'est éloigné de l'approche traditionnelle de faute et
remboursement. Parmi les principes nouveaux et de plus en plus répandus, on
trouve :
- « responsabilité
sans faute » (au-delà du concept de mise en danger implicite) comme,
par exemple, les sinistres liés à l'amiante touchant des acheteurs de
biens immobiliers peu méfiants ; - « sinistres
sans préjudice » comme, par exemple, sur les marchés financiers via
le concept de « fraude contre le marché » ; - « sinistres
importants sans raison » comme, par exemple, ceux reposant sur des
contacts avec de l'amiante sans indication médicale ou développement
pathologique supplémentaire.
Certains observateurs du
système juridique américain prétendent que celui-ci passe d'un système de faute
et récompense à un système essentiellement concentré sur la distribution de
richesses.
En réalité, c'est la nature
même du système de production juridique qui constitue le changement le plus
inquiétant. Dans une configuration classique, une affaire cherchait à être
résolue ; aujourd'hui c'est la résolution qui cherche des procès
potentiels. Les cabinets d'avocats américains notamment, mais également de plus
en plus d'autres cabinets du monde entier, ont restructuré leurs modèles
d'entreprise. Ils se considèrent comme des entrepreneurs qui utilisent les
mêmes instruments et processus que d'autres secteurs : la standardisation
des produits et des services, les économies d'échelle, la réduction des coûts
administratifs, les efforts de commercialisation, le développement de
l'activité et la planification stratégique des investissements, pour n'en citer
que quelque-uns. Ils réinvestissent désormais les produits des précédentes
affaires et sont devenus aussi agressifs et efficaces que les acteurs des
autres domaines dans l'identification de nouvelles opportunités. Rajouter une
autre affaire à une grande action de groupe a un coût marginal
négligeable ; en conséquence, ce type de recours est devenu l'un des
instruments préférés du secteur juridique. Cette révolution du système de
production est aussi importante pour les professions juridiques que l'a été le
taylorisme pour le secteur automobile, avec des conséquences semblables pour
nos économies.
Le système juridique
américain qui autorise « le choix du lieu du procès », ainsi que
d'autres techniques destinées à maximiser les dommages-intérêts, a induit une
hausse du coût des sinistres. De nos jours, le lieu du procès est l'une des
variables les plus importantes influant sur la manière dont une affaire sera
résolue et sur le montant des dommages qui seront versés. Il n'est pas étonnant
que la partie adverse fasse des efforts croissants afin de sélectionner ou
d'éviter certaines localités. Le développement du système juridique par le
biais des juges et des jurés, qui ne sont généralement pas formés aux affaires
économiques, et encore moins en assurance, pose problème. Lorsque le cadre pour
de futures activités (et de futures exclusions !) est défini par des
personnes qui – parce que le système n'a pas été mis en place de manière
adéquate – ne comprennent souvent pas les implications plus larges de
certaines de leurs décisions, nous ne devons pas nous étonner que le résultat
ne soit pas optimal.
Environnement du coût des sinistres de responsabilité
civile : le nouveau système juridique de production
Nous devons prendre
conscience que nous opérons dans un environnement de plus en plus différent au
sein duquel les agents économiques ont des attentes et des priorités
différentes lorsqu'ils interagissent. Non seulement la sphère juridique a
changé : c'est aussi le cas de l'économie dans son ensemble. Ce sont
l'émancipation de la production de biens physiques et le nouvel accent mis sur
la performance dans le temps qui ont conduit à la nouvelle économie de services
(Giarini, Liedtke, 1997) (Giarini, Sthahl, 2000) (2).
Aujourd'hui, les clients et les partenaires commerciaux recherchent davantage
de services, l'intensité de la maintenance augmente, les accords de crédit-bail
sont plus courants, les droits d'utilisation associés à des services sont plus
importants que la propriété. La qualité de service s'est probablement améliorée
au cours des dernières décennies et la performance dans le temps est plus
importante que la simple livraison de biens. Les garanties et les
« promesses » sont inhérentes aux relations professionnelles et elles
créent des zones d'ombre propices à d'éventuels litiges. L'externalisation et
la mondialisation rallongent les chaînes de création de valeur, davantage de
progrès internationaux et technologiques les rendent plus complexes, et tous les
partenaires concernés comprennent aujourd'hui pleinement la notion de cascade
de qualité. Dans un même temps, les relations professionnelles sont de plus en
plus contractuelles, donc tout le monde est peut-être plus disposé à engager
des poursuites. Une meilleure documentation des processus d'entreprise favorise
les procès, plus particulièrement par le biais de l'usage de l'Internet, dont
l'utilisation s'est généralisée et qui permet de rechercher des informations
utiles dans les procès, créant parfois des problèmes d'interprétation plusieurs
années après leur ouverture.
D'un point de vue social, les aspects éthiques
inhérents à la conduite des affaires ont pris de l'importance : il ne
suffit plus d'être techniquement correct, mais il faut également être considéré
comme éthiquement correct (c'est-à-dire honnête, équitable). Le comportement
socialement responsable est essentiel pour entretenir de bonnes relations, non
seulement avec les clients et les partenaires commerciaux mais également avec
les médias et le système juridique. La transparence doit être le moteur de
progrès du nouveau système économique. Dans ce nouvel environnement, la
responsabilité n'est plus liée au simple risque d'entreprise. La responsabilité
sociale est devenue une nouvelle source de responsabilité civile et, comme nous
l'avons précisé un peu plus haut, l'affinité sociale envers les procès est en
hausse. Il existe davantage de clients informés et proactifs qui ont créé leurs
propres organisations spécialisées destinées à défendre leurs intérêts. L'accès
généralement plus facile au système juridique (qui inclut un accès plus large à
la protection juridique offerte par les assureurs !) contribue à ce
développement, tout comme l'utilisation d'outils nouveaux destinés à réduire le
risque (coût) du demandeur dans le cas d'un procès perdu, incitent
l'ayant-droit à trouver une solution juridique pour faire valoir ses droits. Le
nouvel équilibre gain/perte pour les demandeurs et leurs avocats (surtout par
le biais du regroupement de sinistres) favorise l'augmentation du nombre de
procès. L'utilisation d'instruments autres que juridiques voit le jour dans les
processus : l'usage ciblé et étendu des médias afin de créer un certain
climat pour les procès-vedettes et le « développement de l'affectif »
dans les procès, ont pour objectif d'apporter une dimension supplémentaire à
l'analyse rationnelle et contractuelle
الخميس سبتمبر 08, 2016 10:34 am من طرف د.خالد محمود
» "خواطر "يا حبيبتي
الجمعة أبريل 08, 2016 8:25 am من طرف د.خالد محمود
» خواطر "يا حياتي "
الجمعة أبريل 08, 2016 8:15 am من طرف د.خالد محمود
» الطريق الى الجنة
الأحد مارس 06, 2016 4:19 pm من طرف د.خالد محمود
» الحديث الاول من الأربعين النووية "الاخلاص والنية "
الأحد مارس 06, 2016 4:02 pm من طرف د.خالد محمود
» البرنامج التدريبي أكتوبر - نوفمبر - ديسمبر 2015
الأربعاء سبتمبر 16, 2015 1:04 am من طرف معهد تيب توب للتدريب
» البرنامج التدريبي أكتوبر - نوفمبر - ديسمبر 2015
الأربعاء سبتمبر 16, 2015 1:04 am من طرف معهد تيب توب للتدريب
» البرنامج التدريبي أكتوبر - نوفمبر - ديسمبر 2015
الأربعاء سبتمبر 16, 2015 1:04 am من طرف معهد تيب توب للتدريب
» البرنامج التدريبي أكتوبر - نوفمبر - ديسمبر 2015
الأربعاء سبتمبر 16, 2015 1:03 am من طرف معهد تيب توب للتدريب