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    LA RESPONSABILITE CIVILE AU SECOURS DE L'ENVIRONNEMENT Empty LA RESPONSABILITE CIVILE AU SECOURS DE L'ENVIRONNEMENT

    مُساهمة من طرف Admin الأربعاء أبريل 21, 2010 1:30 pm

    LA RESPONSABILITE CIVILE
    AU SECOURS DE L'ENVIRONNEMENT





    -


    Texte intégral:
    La responsabilité civile comme base institutionnelle d'une protection spontanée
    de l'environnement
    .


    Journal des Economistes et des Etudes Humaines, vol.2 numéro 2&3, juin/ septembre 1991.


    Baudouin Bouckaert


    1. Introduction


    La
    dominance des idées centralisatrices existe aussi dans le domaine de la protection
    de l'environnement. Une vue superficielle des instruments utilisés suffit déjà
    pour constater cela. Ce qu'on appelle le droit de l'environnement consiste le
    plus souvent en des réglementations directes, des systèmes de permis (permis
    d'exploitation, permis de décharge, permis de construire, etc.), une production
    étatisée (l'entretien du domaine public, la gestion des réserves naturelles,
    des forêts domaniales). Implicitement toutes ces stratégies reflètent une même
    mentalité : l'environnement est un bien collectif, devant être géré par des
    institutions qui représentent la collectivité. Dès lors, il importe de
    contrôler toutes les activités des citoyens qui pourraient affecter la qualité
    de ce bien collectif.


    Bien sûr, clans nos
    sociétés pluralistes et démocratiques, cette gestion centralisée de
    l'environnement ne prend pas l'envergure d'une sorte de Léviathan écologiste.
    Dans nos sociétés, l'Etat et le gouvernement se présentent plutôt comme un
    noeud compliqué d'élites concurrentes qui essayent d'exercer quelque contrôle
    sur la gestion des institutions publiques. En réalité, la gestion centralisée
    de l'environnement prend le caractère d'une procédure de concertation, dont les
    résultats successifs et variables reflètent les conflits d'intérêt sur le marché
    politique. En Belgique par exemple le problème grave se pose de la pollution
    des eaux souterraines par le fumier des porcs. Les autorités publiques,
    formellement revêtues de tant de pouvoirs politiques, ne peuvent pas se
    permettre de prendre des mesures draconiennes. La raison en est claire. Un des
    partis politiques de la coalition gouvernementale est fortement lié aux groupes
    de pression des agriculteurs qui disposent de fonds considérables. La solution
    est alors un compromis, qui ne garantira guère une solution efficace.


    Néanmoins, ces stratégies
    centralisatrices ne se présentent pas comme des maux nécessaires, comme des
    prix en termes de liberté, que nous devons payer inévitablement pour la
    préservation de la qualité de notre environnement. Il est possible de concevoir
    des solutions non -centralisatrices, analogues aux institutions qui ont permis
    la croissance économique et la prospérité de larges couches de la population.
    Afin de développer cette thèse, sera tout d'abord donné un aperçu de quelques notions
    de l'analyse économique du droit. Ces notions nous permettront d'identifier et
    de distinguer les divers problèmes institutionnels que pose la protection de
    l'environnement. La dernière partie de l'article sera complètement consacrée à
    l'évolution de la responsabilité civile, qui se présente comme une institution
    importante pour la protection décentralisée de l'environnement.


    2. Application de l'analyse économique du droit à la protection
    de l'environnement



    2.1.
    Les limites de l'approche économique des
    institutions



    L'analyse
    économique du droit, devenue populaire dans les milieux scientifiques
    américains et gagnant graduellement aussi les centres universitaires en Europe,
    peut être présentée comme une analyse comparative des conséquences des diverses
    alternatives institutionnelles sur les choix des individus. En effet, toute
    analyse économique reflète une hypothèse institutionnelle. La micro -économie
    classique par exemple, qui s'est concentrée sur le fonctionnement des marchés
    et la formation des prix, et donne l'impression d'être complètement dénuée de
    tout aspect institutionnel, repose sur des hypothèses institutionnelles
    implicites, c'est -à -dire la propriété exclusive et parfaitement protégée sur
    les biens et services négociés sur les marchés, ainsi que la liberté
    contractuelle totale d'aliéner ces droits de propriétés. Dans la micro­économie
    classique ces hypothèses institutionnelles sont apparemment considérées comme
    tellement évidentes que les économistes n'y font point d'attention.


    L'originalité de l'analyse
    économique du droit réside dans le fait que ces hypothèses sont rendues
    explicites, et que l'étude des ordres spontanés, fonctionnant dans d'autres
    contextes institutionnels, devient ainsi possible. Cela permet par exemple
    d'analyser séparément le comportement des agents économiques sous un régime
    féodal, dans un système
    collectiviste, sur des marchés
    réglementés et oligopolistiques, dans les domaines où s'exerce le pouvoir politique
    (le "marché politique"). Cette approche permet aussi de faire des
    comparaisons plus pertinentes que celles de l'approche d"'Alice au pays des
    Merveilles" relevant de la micro -économie classique, laquelle tend à
    comparer le fonctionnement des marchés réels avec des modèles irréalistes comme
    la concurrence pure et parfaite. L'analyse économique
    du droit ouvre le chemin d'une renaissance de l'économie politique dans son
    sens originel et non -marxiste. Elle oblige les économistes à sortir de leur
    tour d'ivoire
    et à se prononcer sur les avantages comparatifs des alternatives
    institutionnelles.


    Néanmoins il importe,
    surtout en ce qui concerne la matière abordée dans cet article, d'indiquer les
    limites de cette approche comparative. Les institutions juridiques,
    administratives et politiques d'une société se conçoivent au maximum comme des
    contraintes marginales ("side constraints") pour les agents, qui
    participent comme joueurs au jeu social avec leurs propres valeurs et
    priorités. Cela implique que les performances, les réussites et les
    défaillances qu'on pourrait constater dans une société régie par un système
    institutionnel, ne dépendent pas uniquement de la qualité de ce système mais
    aussi des préférences des joueurs. Si tous les citoyens d'une société cultivent
    une mentalité radicale du type "après nous le déluge", les résultats
    concernant l'environnement seront catastrophiques sous n'importe quel arrangement
    institutionnel.


    Une des objections
    courantes contre la propriété privée comme instrument possible de la protection
    de l'environnement serait l'absence des garanties pour les générations
    suivantes. Il est vrai, si tous les biens environnementaux étaient possédés par
    des gens délaissant complètement les intérêts de leur progéniture, les
    espérances concernant les générations suivantes ne seraient pas très roses.
    Mais la même chose s'applique à la situation dans laquelle les biens seraient
    sous la gestion administrative de gens ayant une telle mentalité. Il importe
    donc de chercher quel arrangement institutionnel donnerait les meilleures
    garanties pour la qualité de l'environnement, les préférences des participants
    étant considérées comme une constante dans les comparaisons. La revendication
    majeure de l'approche institutionnelle comparative est qu'un changement du
    cadre institutionnel d'une société n'est pas dans la plupart des cas, une
    opération à somme nulle. Le résultat de différents arrangements institutionnels
    est variable, même sous la clause ceteris paribus en ce qui concerne les
    préférences des participants. Les institutions peuvent guider les actions des
    participants vers des résultats non attendus qui peuvent être plus bénéfiques,
    ou plus nuisibles, que les intentions de ces actions. En effet, l'argument le
    plus ancien en faveur d'une économie de marché repose sur ces rapports non
    intentionnels entre actions et effets. Le fameux adage "vices privés,
    vertu publique" de Bernard de Mandeville, se référait au fait
    que des actions, inspirées par des motivations purement égoïstes, pouvaient
    déboucher sur une prospérité collective, à condition que quelques règles de
    base fussent respectées. Bien que l'approche institutionnelle et comparative
    soit condamnée à considérer les préférences des participants du jeu social
    comme des éléments à la marge du système, elle peut néanmoins donner des
    indications précieuses pour améliorer la qualité des règles du jeu. Les
    prétentions de cette approche sont dès lors limitées, mais elles n'en demeurent
    pas moins fermes.


    2.2.
    Externalités et coûts sociaux



    Presque
    chacune de nos activités peut engendrer des effets externes, positifs ou
    négatifs. La plupart de ces effets ne posent guère de problème pour l'harmonie
    sociale et l'efficacité économique. Le plus souvent, ces effets sont très
    passagers et n'affectent pas la qualité de notre vie et les choix substantiels
    que nous faisons. La majeure partie des problèmes qui pourraient se poser par
    de tels effets externes sont plus ou moins contrôlés parce que nous pouvons
    alterner notre vie publique avec une vie privée. Dans l'espace public, nous
    sommes soumis à de nombreuses externalités négatives, mais cet espace nous
    permet en même temps de jouir de nombreuses externalités positives.


    Un espace public attractif
    se caractérise en effet par le fait que les externalités positives attendues
    dominent les externalités négatives attendues. L'espace privé nous permet de
    nous soustraire aux externalités négatives émises par le comportement des
    autres, mais nous prive en même temps de la jouissance des externalités
    positives. Par conséquent, il suffit d'avoir des institutions qui garantissent
    simultanément une protection efficace des espaces privés et une gestion
    efficace des espaces publics pour résoudre le problème des externalités.


    Le problème des
    externalités négatives devient grave, et constitue une raison de mettre en
    doute les institutions existantes, quand elles affectent systématiquement et
    d'une faon substantielle les ressources rares servant les besoins de grandes
    couches de la population. Dans ce cas, il en vient à fausser l'ordre spontané
    issu de l'offre et de la demande, et risque de perturber l'harmonie sociale en
    grande partie fondée sur cet ordre spontané.


    Dans l'approche néo
    -classique de l'Ecole de Chicago
    le problème des externalités négatives est analysé à l'aide du fameux théorème
    de Coase. Si on s'imaginait un
    monde dans lequel tous les échanges mutuels se faisaient sans quelque coût de
    transaction, les externalités négatives ne poseraient guère un problème pour
    l'efficacité économique. Chaque fois que la valeur des dommages causés par ces
    externalités (les coûts sociaux) dépasse les profits des activités nuisibles,
    les victimes feraient certainement une offre pour acheter la cessation de
    telles activités. Cette image est évidemment tout à fait irréaliste. On voit
    mal comment les millions de victimes de la pluie acide entreraient en contact
    avec les millions de gens qui causent cette pluie. Dans la réalité sociale, des
    échanges mutuels impliquent des coûts de transaction. La barrière de ces coûts
    explique le fait qu'un écart subsiste entre l'évaluation croissante qu'on
    attache aux biens environnementaux d'un côté, et l'absence ou du moins le
    retard des adaptations de l'appareil économique répondant à cette évaluation de
    l'autre. La persistance des externalités négatives en forme de pollution rend
    possible le fait que des ressources naturelles rares, auxquelles le public
    attache une grande valeur, soient consommées par des activités dont les
    produits sont peu appréciés par le public.


    On est tenté de voir dans
    cette inefficacité une défaillance du marché. Cela est correct si on définit le
    marché comme une machine d'échanges s'effectuant dans un monde sans coûts de
    transaction.


    Du point de vue de
    l'analyse institutionnelle et comparative, une telle définition n'est tout au
    plus qu'une hypothèse didactique qui ne permet point d'arriver à quelque
    conclusion institutionnelle. En fait chaque ordre historique de marché se
    déroule dans un monde avec des coûts de transaction positifs, et dans un cadre
    institutionnel (conventionnel et juridique) permettant de dépasser plus ou
    moins cette barrière des
    coûts de transaction. Certains cadres institutionnels sont sur ce point moins
    efficaces que d'autres. L'Europe du Haut Moyen -Age (1100 -1400) peut
    certainement être qualifiée comme une économie de marché. Le cadre
    institutionnel de cette période, qui restait fort influencé
    par la féodalité, était cependant moins efficace que celui de nos marchés
    modernes en ce qui concerne le critère des coûts de transaction.


    Dès lors, il s'agit plutôt
    d'une défaillance institutionnelle que d'une défaillance du marché proprement
    dit. Néanmoins, il est à craindre que l'opinion publique ne soit pas prête pour
    saisir cette distinction subtile. L'écart entre conscience écologique et
    adaptation de l'appareil économique risque de ronger la confiance de beaucoup
    de gens - surtout les plus jeunes et les plus conscients -dans les capacités de
    l'ordre spontané, d'où le danger d'un Léviathan écologiste.


    2.3.
    La tragédie des ressources communes



    Le
    problème des externalités
    négatives ne se situe pas toujours dans une relation entre l'auteur d'un effet
    nuisible et une victime. Dans ce dernier cas, l'effet nuisible frappe la
    personne ou la propriété de la victime. Même si les institutions juridiques
    existantes sont inefficaces pour résoudre ce problème, il y a au moins
    quelqu'un qui a un intérêt précis pour agir, politiquement ou juridiquement,
    afin de protéger ses intérêts.


    Cependant, la plupart des
    biens environnementaux ne font pas l'objet d'un régime précis de propriété
    privée. Il sont plutôt soumis à un régime d'usage public, qui ouvre la porte à un mécanisme infernal,
    la fameuse "tragédie des ressources communes" (tragedy of the
    commons). Si l'accès et l'usage
    d'une ressource sont libres pour chacun, les usagers ne sont point soumis à
    quelque incitation pour gérer cette ressource d'une façon responsable. Les
    coûts de l'usage qu'ils font de la ressource commune ne se traduisent pas dans
    une dévaluation de leur propre patrimoine, mais sont au contraire externalisés
    vers tous les autres usagers, actuels et futurs. En bref, les profits de
    l'usage de la ressource commune sont privatisés tandis que les coûts sont
    collectivisés. Ce manque de discipline spontanée provoque une tendance vers un
    épuisement graduel de la ressource commune.


    Du point de vue
    institutionnel les gens qui se font des soucis légitimes sur le sort de ces
    ressources communes, n'ont pas de moyen pour arrêter cette dégradation. Leurs
    intérêts à long terme ne sont pas protégés par le système juridique, parce que
    tout le monde est propriétaire de ces ressources - et cela veut dire en fait
    que personne ne l'est. Les usagers actuels et potentiels, qui sont motivés par
    des intérêts à court terme, peuvent sans aucune restriction continuer leurs
    activités spoliatrices. Pour ceux qui sont intéressés par le long terme, il ne
    reste que l'option de s'abstenir de l'usage de la ressource commune et de
    prêcher une morale d'abstinence. Vu l'intensité des intérêts des usagers à
    court terme, une telle attitude morale ne fera point la différence.


    Une analyse superficielle
    des problèmes de la protection de l'environnement suffit déjà pour constater
    que les dangers les plus graves se situent dans les ressources qui font l'objet
    d'un régime juridique plus ou moins commun.


    D'abord il y a les mers et
    les océans, qui font l'objet d'un régime commun au sens strict. Ce sont
    notamment des biens communs internationaux ("mare liberum"). Toutes
    les ressources qui s'y trouvent (l'eau elle -même, les poissons, les baleines)
    risquent d'être épuisées dans un prochain avenir ou sont soumises à une
    externalisation grave par la pollution.


    Le même phénomène
    s'applique à l'atmosphère. Les droits de propriété, que les gens exercent sur
    des terrains, ne s'étendent pas au ciel. Le régime de l'espace qui se trouve au
    -dessus de leur propriété est vague et indéfini. Cela laisse place à la
    dégradation de cette atmosphère même. Au mieux, ce régime juridique vague de
    l'atmosphère le transforme en un canal facile pour l'externalisation d'effets
    nuisibles entre propriétaires privés. Mais ces dangers ne se limitent pas aux
    ressources qui font l'objet d'un régime commun au sens strict. Les biens qui
    sont gérés par les instances publiques, c'est -à -dire le domaine public,
    risquent de subir le même sort. Il s'agit des fleuves, des rivières, de la
    voirie. Beaucoup de réserves naturelles (parcs nationaux, forêts domaniales),
    sont dans le même cas. Officiellement, l'Etat ou d'autres instances publiques
    en sont les propriétaires. Mais l'Etat, la région, la province, la commune, qui
    est -ce ? Ces instances ne sont que des personnes morales, dès lors fictives,
    peuplées et gérées par des gens qui ne sont pas non plus soumis à la discipline
    spontanée des propriétaires privés. Ou bien ce sont des administrations (des
    bureaucrates si on veut, qui y font leur carrière administrative). Ni la façon
    dont ils sont recrutés, ni leur rémunération, qui est fixe, ne donne quelque garantie
    pour une gestion efficace des biens du domaine public. Bien sûr, il existe
    des administrateurs capables, intègres et conscients. Il est cependant
    dangereux de miser sur cette bonne volonté de quelques administrateurs sans
    changer le système institutionnel. Ou bien ce sont des hommes (et femmes)
    politiques, qui y font leur carrière politique. Dans une démocratie politique,
    ces carrières sont incertaines et dépendent souvent des cadeaux à court terme
    qu'on peut offrir aux électeurs ou aux financeurs des campagnes électorales.
    Même un politicien plutôt écologiste subit dès lors la pression des groupes qui
    ne s'intéressent qu'à une exploitation du domaine public à court terme.


    Il est alors nécessaire de
    repenser d'une façon radicale tous ces régimes de statut commun ou public. Il
    ne suffit pas de propager de nouvelles méthodes techniques pour la gestion de
    ces ressources, comme le font les écologistes. Il s'agit de changer
    le régime institutionnel afin qu'un mécanisme de "vices privés, vertus
    publiques", comme Bernard de Mandeville l'exprimait, se déclenche dans ces
    secteurs.


    2.4. Marché politique et réglementation


    Les
    instruments juridiques classiques pour maîtriser les problèmes des externalités
    négatives, les tragédies des ressources communes et les coûts de transaction
    sont la responsabilité civile, la propriété privée, ainsi que la liberté et la
    responsabilité contractuelles.


    La responsabilité civile
    offre aux victimes des effets nuisibles la possibilité de demander des dommages
    -intérêts. Cette possibilité mène à un effet préventif parce que les auteurs
    potentiels internaliseront ces effets afin d'éviter une condamnation. Par la
    responsabilité civile la barrière des coûts de transaction peut être franchie.


    La propriété privée
    responsabilise la gestion effectuée par les personnes qui exploitent des ressources.
    Une exploitation qui gaspille les ressources et se limite à un horizon de court
    terme engendre une dévalorisation des ressources sur le marché.


    La liberté contractuelle
    et le droit de développer de nouveaux modèles contractuels offrent aux participants
    du jeu social la possibilité d'inventer de nouvelles méthodes pour internaliser
    des effets nuisibles qui ne sont pas récompensables par la responsabilité
    civile. La création de servitudes en est un exemple. Un propriétaire qui est
    soumis à une externalité négative imminente de la part de son voisin, peut lui
    proposer la création d'une servitude par laquelle des activités nuisibles
    seront exclues pour l'avenir. Si l'avantage de telles activités est inférieur
    au prix que le propriétaire offre pour obtenir cette servitude, un tel contrat
    sera conclu.


    Ces instruments juridiques
    sont le résultat d'une tradition juridique ancienne. On se demande alors
    pourquoi la protection de l'environnement donne lieu à tant de stratégies non
    classiques, comme la réglementation directe, les systèmes de permis, les
    subventions, les exemptions fiscales, etc. L'explication de cet essor
    réglementaire n'est certainement pas simple.


    Il est d'abord probable
    que beaucoup de réglementations peuvent être expliquées et même justifiées par
    la défaillance des instruments classiques mentionnés. De telles défaillances
    peuvent être de nature institutionnelle ou de nature économique. Dans le
    premier cas, les stratégies réglementaires et administratives peuvent être
    rendues superflues par un perfectionnement des instruments classiques. La
    prochaine partie de cet article sera consacrée à la défaillance
    institutionnelle de la responsabilité civile. Dans le second cas, les
    instruments classiques se révèlent plus coûteux en comparaison de la réglementation.
    On ne peut pas exclure d'avance cette possibilité.


    Comme instrument pour
    internaliser les effets nuisibles, la responsabilité civile est soumise à
    diverses défaillances potentielles, comme par exemple :


    - La défaillance par les
    coûts de preuve :l'obligation de payer des dommages-­intérêts requiert au moins
    que la victime puisse rendre la preuve du lien causal entre l'action de
    l'auteur et ses dommages. Si les coûts attendus pour rendre la preuve sont plus
    élevés que les dommages -intérêts attendus, la victime n'entera certainement
    pas en justice, ce qui implique que beaucoup d'effets nuisibles ne sont pas
    internalisés.


    - La défaillance par
    l'insolvabilité des auteurs du dommage : des auteurs potentiels de dommages
    peuvent englober le risque de leur propre insolvabilité dans leur calcul. De ce
    fait, l'effet préventif de la responsabilité civile est affaibli.


    - La défaillance
    par une compensation arbitraire : l'évaluation du dommage révèle toujours un
    aspect arbitraire, surtout en ce qui concerne des biens non-­marchands comme la
    vie, la santé, ou l'intégrité physique. Une politique judiciaire d'évaluation
    modeste affaiblit l'incitation à internaliser les risques. Une évaluation très
    forte peut provoquer un niveau de dépenses préventives lui -même trop élevé du
    point de vue de l'efficacité économique.


    - Le retard dans
    l'adaptation aux risques créés: la perception des risques parmi la population
    peut être en retard par rapport à la perception par ceux qui créent ces
    risques. Par conséquent, quelque temps s'écoulera avant que les victimes
    réagissent par des procès. Pendant cette période beaucoup de dommages ne sont
    pas compensés.


    De telles défaillances
    possibles, inhérentes à l'instrument classique de la responsabilité civile,
    peuvent être considérées comme de raisons suffisantes pour suppléer cet instrument
    par une réglementation directe.


    Tout de même, si on veut
    faire une comparaison honnête, il importe de tenir compte aussi des
    défaillances inhérentes à la réglementation, comme par exemple :


    - La défaillance
    d'information :l'instance qui impose la réglementation peut surestimer soit les
    risques des accidents, soit les coûts de prévention. Cela mènera à un sur
    -investissement dans des mesures préventives.


    Une sous -estimation au
    contraire mènera à un niveau trop bas de prévention au cas où la réglementation
    exclut la responsabilité civile, ou lorsque la responsabilité civile est
    défaillante pour les raisons mentionnées.


    - La défaillance
    d'exécution : les instances de police, qui doivent contrôler l'observation des
    règlements sont aussi soumises aux limites d'une information imparfaite. De
    plus, il y a les risques des pots -de -vin et le manque de compétence des
    instances de contrôle.


    - La défaillance par
    l'effet d'illusion : le fait que les auteurs de risque respectent les
    règlements et les permis, peut conduire à un sentiment erroné de sécurité parmi
    la population. Cela retarde une réaction par voie de procédure civile.


    - La défaillance du marché
    politique : la structure des institutions politiques (par exemple le système de
    suffrage, le recrutement des politiciens et des administrateurs) peut donner de
    mauvaises incitations aux gens qui sont responsables de la rédaction et de
    l'exécution des règlements. Un haut fonctionnaire, qui convoite un bon poste
    dans une branche du secteur privé soumise aux règlements qu'il doit appliquer,
    peut "arranger" pas mal de choses. Il faut aussi indiquer le problème
    de l'action collective en faveur d'une mesure pour la protection d'un bien
    environnemental. La protection sous forme de mesure préventive a le caractère
    d'un bien public. La motivation pour s'engager dans une telle action est
    hypothéquée par l'effet du passager clandestin("free rider").


    On voit bien que les deux
    solutions, l'une par les instruments classiques du droit, l'autre par la
    réglementation, ont leurs propres défaillances. On est tenté de dire qu'il faut
    alors mettre en balance les deux types de solutions, et préférer la moins
    défaillante. Sur ce point, on se heurte cependant à un méta -problème.


    Si on confie la procédure
    pour peser les deux types de solutions à un mécanisme politique qui montre les
    mêmes défaillances que celles liées aux décisions sur la réglementation, le
    choix entre instruments de droit privé et réglementation sera faussé de la même
    manière.


    Par conséquent une telle
    procédure de balance doit être exclue. Elle ne résout rien au fond du problème.
    La seule réponse possible serait alors d'abord de maintenir sans réserves les
    instruments classiques en les perfectionnant autant que possible.


    Si l'application correcte
    des instruments classiques paraît insuffisante, il y a lieu de les suppléer par
    des règlements à condition que les défaillances de cette méthode soient
    minimisées. Sur ce point, il y a lieu, selon nous, de repenser
    substantiellement notre "technologie" politique actuelle, qui reste
    encore inspirée par l'idée de la souveraineté de l'Etat, l'image du citoyen
    abstrait et la procédure de décision "micro -démocratique". Cette
    technologie politique, qui est l'héritage de la Révolution Française,
    enlève en fait aux citoyens la possibilité de négocier, de discuter, et
    d'influencer les mesures qui les concernent. Seuls les gens qui connaissent les
    dessous du mécanisme politique ou qui peuvent organiser des groupes de pression
    assez puissants ont la possibilité d'exercer une influence. Cela implique que
    le mécanisme officiel des décisions politiques se résume à une illusion, à une
    pièce de théâtre, jouée à chaque échéance électorale afin que le pouvoir puisse
    maintenir une apparence de légitimité.


    Pour arriver à une
    technologie politique, qui nous épargne les défaillances mentionnées, il est
    nécessaire de développer des modèles de "micro -démocratie" dans
    lesquels la procédure de décision politique approche autant que possible le
    caractère d'un vrai contrat social. Cela impliquerait que des réglementations,
    qui peuvent être nécessaires pour suppléer les instruments de droit privé,
    proviendraient d'une négociation directe entre ceux qui créent le risque et
    ceux qui subissent le risque, afin d'arriver à des solutions contractuelles qui
    obligent vraiment les partenaires. Cela n'a rien à voir avec la concertation
    macro -politique, que les instances étatiques aiment à organiser et dans
    laquelle l'élite professionnelle des groupes de pression fait la pluie et le
    beau temps. Il s'agit vraiment de mettre en contact les vrais créateurs de
    risque (par exemple les entreprises individuellement) et les vraies victimes
    potentielles (par exemple les habitants du quartier).


    Ce sont surtout les
    instances locales qui peuvent servir de forum public pour organiser de tels
    contrats collectifs. On pourrait répliquer que de telles procédures
    n'apporteraient point de solution pour la pollution à grande échelle qui se
    disperse dans de vastes territoires. Cela est vrai, mais rien n'empêche les
    instances locales ou les agences, qui surveilleraient l'observation des
    règlements contractuels, de négocier avec d'autres instances locales et
    d'arriver à des traités interrégionaux, internationaux, voire
    intercontinentaux. Ce qui est important est qu'une telle technologie politique
    créerait le cadre d'un dialogue honnête entre les créateurs des risques et
    leurs victimes potentielles. Une telle possibilité est absente dans le cadre de
    nos institutions actuelles.
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    LA RESPONSABILITE CIVILE AU SECOURS DE L'ENVIRONNEMENT Empty تابع

    مُساهمة من طرف Admin الأربعاء أبريل 21, 2010 1:31 pm

    3. Responsabilité civile et pollution : une histoire de
    défaillance institutionnelle



    3.1. Responsabilité civile et droit de propriété


    Avant
    de dresser une esquisse de l'évolution de la responsabilité civile comme
    instrument de protection environnementale, il est important de faire quelques
    distinctions de nature juridique, afin d'éviter des confusions parmi les
    lecteurs non -juristes.


    Dans la science du
    droit le domaine de la responsabilité civile est un des plus compliqués. La
    littérature juridique sur ce sujet abonde vraiment de notions abstraites dont
    le sens est souvent vague et confondant.


    Un exemple d'une
    telle confusion est la distinction faite entre la responsabilité subjective et
    la responsabilité objective, souvent identifiée avec la distinction entre
    "negligence liability" et "strict liability" en droit anglo
    -américain. La différence entre ces deux types de responsabilité se résume
    ainsi : la responsabilité subjective suppose une faute au chef de l'auteur du
    dommage; la responsabilité objective ne la suppose pas, et par conséquent
    l'auteur du dommage peut être condamné aux dommages et intérêts par le seul
    fait qu'il a causé ce dommage. Dans la législation moderne on peut remarquer
    une tendance nette vers plus de responsabilité objective ; par exemple: la
    responsabilité du producteur pour les risques inhérents aux produits vendus, la
    responsabilité nucléaire, la responsabilité concernant la pollution des nappes
    d'eaux souterraines, la responsabilité concernant le transport de produits
    toxiques, etc.


    Dès lors on peut se
    demander si la solution ne pourrait pas consister en une généralisation de
    cette responsabilité objective, ce qui libèrerait la victime de la charge de la
    preuve d'une faute. Une telle solution paraît difficile à concevoir et même
    dangereuse du point de vue politique. Comme théorie générale de la
    responsabilité civile, la responsabilité objective telle qu'elle est conçue
    dans la littérature juridique actuelle, est difficile à maintenir.


    D'abord il importe de
    mettre l'accent sur le lien théorique entre le problème de la faute et le
    problème de la causalité. Dans les manuels juridiques ces deux problèmes sont
    souvent présentés comme des chapitres séparés. En fait il y a un lien logique
    entre ces deux problèmes. Si on requiert l'existence d'une faute comme
    condition de responsabilité, il est relativement facile de résoudre le problème
    théorique de la causalité. En effet, chaque accident est le produit d'une
    chaîne causale qu'on peut reconstituer, si on veut, jusqu'au "big
    bang" qui a donné naissance à notre univers.


    La théorie de la
    faute permet de s'arrêter à un maillon de cette chaîne, en donnant à ce maillon
    une signification morale. La faute est dès lors considérée du point de vue
    juridique comme la fin de la chaîne. Toutes les causes précédentes sont alors
    effacées et deviennent invalides. Avec l'élimination de la faute comme
    condition de responsabilité tous les maillons de la chaîne causale reçoivent la
    même qualité morale. Dès lors, on
    manquera un critère si l'on s'arrête dans la chaîne.


    Si un accident arrive
    avec un feu d'artifice, pourquoi alors ne pas condamner le Chinois qui l'a
    inventé il y a plus d'un millier d'années ? Dans les lois qui imposent une
    responsabilité objective le problème est résolu d'une façon très facile : le
    législateur distribue le risque par décret. Une certaine activité se trouve
    légalement qualifiée comme risquée et un certain acteur dans le déroulement de
    cette activité est purement et simplement désigné comme l'auteur du risque, et
    donc comme coupable, chaque fois que l'accident se réalise. Tout cela indique
    qu'il est impossible de concevoir la responsabilité objective comme une théorie
    générale, appliquée et développée par la science et par la jurisprudence (le
    "lawyers law"). La responsabilité objective ne peut pas être plus
    qu'un terme générique pour toutes sortes de distributions de risque imposées
    par les autorités politiques.


    Il y a une deuxième
    raison pour laquelle la responsabilité objective ne peut point figurer comme
    théorie générale. Une faute en responsabilité subjective peut aussi signifier
    une négligence, c'est -à -dire une omission d'agir où et quand il fallait agir.
    Si on élimine la faute comme élément moral, il devient impossible de considérer
    une omission comme cause d'un accident. A tout moment chaque homme commet
    plusieurs omissions, parce que chaque moment nous offre diverses alternatives
    d'actions parmi lesquelles nous n'en choisissons finalement qu'une. Quand on
    détache l'élément moral de la notion d'omission, il devient logiquement
    possible d'indiquer une multitude de "coupables" pour chaque
    accident. Par exemple, si un accident de voiture arrive, on pourrait prétendre
    qu'il existe une technique électro -magnétique par laquelle la voiture qui
    s'approche d'une autre est déviée de sa direction et grâce à laquelle
    l'accident pourrait être évité. Ne pas installer cette technique électro
    -magnétique constitue alors "une omission" de la part du fabricant.
    Conclusion : le fabricant peut être considéré comme coupable. Mais on peut dans
    le même sens considérer l'Etat, propriétaire des routes, comme coupable parce
    qu'il existe certainement des techniques de construction de routes qui auraient
    empêché cet accident. Ne pas utiliser cette technique est aussi une omission,
    donc l'Etat est coupable, etc., etc.


    L'exemple précédent
    montre bien qu'une responsabilité civile dénuée de tout élément moral s'enfonce
    dans des problèmes insolubles. La seule solution serait alors de nouveau une
    solution par décret. Ce sera le législateur qui désignera la catégorie des
    omissions "fatales".


    La responsabilité
    objective, telle qu'elle est conçue maintenant par la doctrine juridique
    moderne, n'améliorerait pas la responsabilité civile comme instrument de la
    protection de l'environnement. Au contraire, elle se ramènerait à une
    distribution étatique et arbitraire des risques.


    Ces remarques sur la
    distinction entre la responsabilité subjective et la responsabilité objective
    étaient nécessaires pour éviter la confusion avec une autre distinction dans ce
    domaine, et qui est cruciale pour expliquer la défaillance de la responsabilité
    civile comme instrument de la protection de l'environnement. Cette autre
    distinction porte sur la relation entre la responsabilité civile et la
    propriété.


    Il est possible de
    prendre le droit de propriété comme critère de la faute d'une part, et du
    dommage d'autre part. Dans ce cas, une atteinte à un droit de propriété
    constitue en même temps une faute. Pour la victime, il suffit alors de
    démontrer qu'un de ses droits de propriété a été atteint sans qu'il soit
    nécessaire de démontrer en plus que le comportement de l'auteur du dommage a
    été négligent et n'a pas correspondu à l'image du bon père de famille. De même,
    le dommage se résume à une atteinte au droit de propriété. Par conséquent, il
    est impossible de revendiquer des dommages -intérêts pour une lésion d'un seul
    intérêt.


    Cette théorie de la
    responsabilité civile est différente de la théorie moderne de la responsabilité
    subjective. Cette dernière théorie s'est développée, comme nous allons le voir,
    pendant le dix -neuvième siècle : selon elle, la faute consiste en une notion
    indépendante de la propriété. Cela implique qu'il devient possible de porter
    atteinte à un droit de propriété d'autrui sans commettre une faute. L'atteinte
    à un tel droit ne suffit plus pour revendiquer des dommages et intérêts. II
    faut démontrer en plus que cette atteinte s'accompagnerait d'un comportement
    fautif, c'est -à -dire un comportement qui révèle un manque de soin, comparé à
    l'image du bon père de famille. Cette théorie relâche aussi le lien entre
    propriété et dommage. Il devient possible de revendiquer des dommages et
    intérêts sans qu'un droit ait été lésé. Une lésion d'un pur intérêt peut
    suffire. Ainsi, dans cette théorie le droit de propriété disparaît
    presqu'entièrement comme critère de responsabilité. La responsabilité
    subjective se présente alors comme un lien entre faute et cause d'une lésion
    d'un intérêt.


    Il est important de
    mettre l'accent sur le fait que ces deux théories de la responsabilité civile
    comportent un élément moral. En cela elles se distinguent de la philosophie
    redistributive des risques de la responsabilité objective. L'atteinte à la
    propriété privée implique aussi un élément moral, parce qu'elle se réfère au
    principe fondamental et normatif qu'est le respect des droits d'autrui.


    Ce qui est peut -être
    encore plus important est que ces deux théories ne sont pas exclusives. On peut
    bien imaginer des cas d'accidents dans lesquels il ne s'agit pas d'une atteinte
    unilatérale d'un droit de propriété. Dans une collision
    frontale par exemple, les deux chauffeurs, propriétaires de leur véhicule, vont
    à l'encontre l'un de l'autre. L'invasion est dès lors mutuelle. En plus, cette
    collision arrive sur la propriété foncière de l'Etat, ce qui complique encore
    l'affaire. Il est clair que dans ce cas une règle de responsabilité, fondée sur
    le seul critère de l'invasion de la propriété, ne donne point de solution. Ici,
    on a besoin d'autres critères, comme par exemple le respect du code de la
    route, imposé par le propriétaire de la route, ou un système dans lequel chaque
    partie paie son propre dommage en combinaison avec une assurance obligée.
    Indirectement, la propriété est aussi dans ce cas un critère, étant donné que
    le propriétaire (c'est -à -dire l'Etat) définit les critères de responsabilité
    pour les dommages qui se produisent sur les espaces qu'il ouvre à un usage
    public. Cependant, si un dommage se produit, dont la cause se situe dans une
    propriété de quelqu'un, et dont l'effet se traduit dans la propriété d'un
    autre, il n'y a aucun argument sérieux pour abandonner l'invasion de la
    propriété comme critère simultané de la faute et du dommage. Relâcher ce
    critère en y ajoutant d'autres conditions mène en effet à une subvention cachée
    pour l'auteur du dommage aux dépens de la victime.


    Beaucoup de dommages
    "environnementaux" peuvent être qualifiés d'atteintes unilatérales
    des droits de propriété d'autrui. Il est dès lors intéressant de voir comment
    le droit civil, la jurisprudence et la doctrine ont évolué pendant la période
    de l'industrialisation, qui se manifeste somme toute par une augmentation nette
    des risques pour l'environnement.


    3.2. L'Ancien Régime : droit commun, coutumes et règlements
    communaux



    Avant
    le Code Civil, les règles qui concernaient la responsabilité pour atteinte à le
    propriété d'autrui, se trouvaient dispersées dans les diverses sources du
    droit.


    En premier lieu, il
    faut mentionner la doctrine de l'immissio, englobée dans la doctrine du droit
    commun, c'est -à -dire le droit romain adapté par les juristes depuis le Moyen
    -Age. Selon le droit romain, les voisins qui envoyaient des matériaux (fumée,
    odeur, poussière) dans le domaine d'autrui pouvaient être cités en justice au
    moyen de l'actio negatoria. Cette action s'était développée à côté des autres
    actions, concernant la responsabilité civile, notamment l'action, fondée sur la Lex Aquilia et l 'actio
    injurarum. Ces différentes actions ont été liées dans une théorie par les
    juristes de l'Ancien Régime, surtout par le juriste italien du Bas Moyen -Age,
    Caepollo. La doctrine de l'immissio devenait ainsi une partie de la théorie de
    la responsabilité civile. Il importe néanmoins de dire que le critère de
    propriété était strictement maintenu. Le seul fait qu'il y eût atteinte à la
    propriété d'autrui constituait déjà une faute et entraînait la responsabilité
    de l'auteur.


    En second lieu il y
    avait les nombreuses coutumes qui concernaient les relations entre voisins.
    Beaucoup de ces coutumes proviendraient des rapports entre seigneurs féodaux et
    leurs sujets, vivant dans leurs domaines. Cela n'empêche pas que ces coutumes
    reflétaient souvent une solution rationnelle aux problèmes d'externalités
    négatives. Il est probable qu'une connaissance expérimentale, notamment
    accumulée par les agriculteurs, s'était cristallisée dans ces règles.


    Finalement il faut
    remarquer qu'il y avait aussi une réglementation directe non négligeable sous
    l'Ancien Régime. Ces règlements étaient surtout promulgués par les autorités
    communales. Ils étaient souvent le résultat de négociations entre autorités
    publiques, artisans réunis dans les corporations, et comités de quartiers. A la
    veille de la
    Révolution Française le nombre de tels règlements était
    devenu très élevé, en partie sous l'influence de la mode
    "sensualiste" et du retour à la nature.


    3.3. Le Code Civil et le décret de 1810


    Le
    Code Civil n'accorde que quatre articles à la responsabilité civile, dont le
    plus important est le fameux article 1382. Celui -ci a été interprété plus tard
    comme la consécration de la faute en tant que critère indépendant de la
    responsabilité, bien que les travaux préparatoires ne soient pas clairs sur ce
    point.


    Les nombreux
    règlements des communes furent adoptés après la Révolution par le
    législateur révolutionnaire (Loi du 21 septembre 1791. Décret qui ordonne
    l'exécution des anciens règlements de police relatifs aux usines, ateliers ou
    fabriques établis dans les villes). Bien vite les industriels dans les villes
    commencèrent à se plaindre auprès du gouvernement central de la complexité et
    du caractère arbitraire de ces multiples règlements. Après une enquête du
    Ministère des Affaires Intérieures, le fameux "Décret relatif aux
    manufactures et ateliers qui répandent une odeur insalubre ou incommode"
    fut promulgué en 1810. Par ce décret toutes les activités industrielles et
    artisanales qui comportaient des risques étaient divisées en trois classes et
    soumises à un permis, dont la procédure différait selon la classe concernée. II
    est intéressant maintenant de voir comment ces deux instruments, l'un de droit
    privé, l'autre de droit public se sont développés et quel était leur rapport
    mutuel.


    Pendant la première
    moitié du siècle la doctrine et la jurisprudence continuèrent à appliquer la
    doctrine ancienne de l'immissio aux troubles de voisinage. S'il était clair que
    le dommage à une propriété quelconque était causé par une activité qui se
    situait dans une autre propriété, les cours n'exigeaient point la preuve d'une
    faute. La Cour
    de Metz par exemple statuait en 1820 : "Attendu qu'un voisin ne peut user
    de sa propriété qu'en respectant celle de son voisin, leurs droits respectifs
    étant égaux, celui de l'un doit nécessairement se concilier avec celui de
    l'autre; il serait contre toute justice qu'un propriétaire, non d'ailleurs
    grevé de servitude, se trouvât tout à coup gêné et asservi dans sa propriété,
    par l'usage qu'il aurait plu à son voisin de faire la sienne" (Metz, 16
    août 1820, S., 21.2.54).


    Ni la doctrine, ni la
    jurisprudence considéraient les articles du Code Civil comme une vraie rupture
    avec l'ancienne doctrine de l'immissio. Ils interprétaient ce code dans un sens
    historique, c'est -à -dire comme la synthèse des différentes sources du droit
    ancien.


    Le Décret de 1810 par
    contre devenait la cible de critiques émanant des économistes libéraux. Jules Simon par
    exemple le stigmatisait de la façon suivante : "Rien de plus arbitraire,
    et au fond, rien de plus inutile que la législation sur les établissements
    incommodes et insalubres. La nomenclature en est mal faite, sans précision; les
    formalités qui précèdent l'autorisation laissent une trop large place au
    pouvoir discrétionnaire des préfets et du Conseil d'Etat : elles sont évidemment
    trop compliquées; ...il faut... par -dessus tout cela une délibération du
    Conseil d'Etat aboutissant à une ordonnance arbitraire. Et quand l'autorisation
    est obtenue, quel en est l'effet ? Elle ne protège ni les voisins contre les
    inconvénients de la fabrique, ni la fabrique contre les réclamations
    judiciaires des voisins. C'est une procédure de surcroît qui laisse la porte ouverte à toutes
    les autres contestations, et qui, malgré son luxe de formalités, ne donne de
    garanties sérieuses à personne."


    En effet ces libéraux
    classiques reprochaient au système des permis son inutilité, parce qu'il
    imposait aux industriels des coûts administratifs sans leur garantir quelque
    protection contre les actions de droit civil pour troubles de voisinage. Cette
    dernière remarque était vraie parce que l'article 11 du Décret de 1810
    impliquait que l'industriel, qui avait obtenu un permis, restait soumis à
    l'action du droit civil.


    Bien que ces
    critiques fussent correctes, leur ton était tout de même ambigu. Elles
    laissaient sous -entendre que l'industriel devait être d'une manière ou d'une
    autre protégé contre de telles actions de droit civil de la part des voisins,
    victimes de la pollution.


    Chez d'autres
    auteurs, qu'on peut aussi situer dans le camp libéral,
    l'approche du problème des troubles de voisinage prend une allure plus
    industrialiste et saint -simonienne.


    Le philosophe du
    droit, M.E. Lerminier attaquait la doctrine de l'immissio d'une façon
    véhémente. Selon lui cette doctrine reflétait encore la protection exagérée de
    la propriété foncière, caractéristique de la féodalité. Maintenant au contraire
    "... le temps du travail, de l'industrie commence; l'idée et le respect de
    la propriété foncière doivent faire place à l'idée et au respect de la
    production". Il considérait les
    droits de propriété comme des instruments utiles pour le progrès social, pourvu
    qu'ils ne devenaient pas des obstacles pour la production des richesses dans la
    société. Afin de maintenir cet équilibre, l'Etat devait limiter et réglementer
    l'exercice de ses droits au profit de l'intérêt commun. Le Décret de 1810 était
    pour cela un instrument par excellence. Afin de stimuler le progrès social,
    l'Etat devait accorder généreusement des permis aux industriels et les protéger
    contre les revendications des voisins, victimes de la pollution industrielle.
    En effet, le Décret devait être conçu comme un instrument de subventions
    cachées au secteur industriel.


    Un peu dans le même
    sens, l'économiste Dupont -White plaidait pour un relâchement de la protection
    du droit de propriété au profit des titulaires d'un permis. Selon lui, la France manquait
    de cet esprit d'entreprise, qui caractérisait l'Angleterre et l'Amérique. Afin
    de stimuler l'industrie, l'Etat devait dès lors lui venir en aide, au moyen
    d'une politique généreuse de permis, permettant d'externaliser une partie des
    coûts vers les voisins.


    Néanmoins, la protection
    stricte du droit de propriété par les tribunaux et les cours restait un
    obstacle pour une telle approche industrialiste. Pendant la deuxième moitié du
    siècle les points de vue de la doctrine changèrent graduellement, ce qui ouvrit
    la porte à l'effritement de la doctrine de l'immissio.


    Le changement s'est
    opéré d'abord dans la définition même du droit de propriété. Dans le Code Civil
    ce droit est défini comme "le droit de jouir et disposer des choses de la
    manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les
    lois et les règlements".


    Pendant la première
    moitié du siècle la doctrine et la jurisprudence continuaient d'interpréter les
    limites de la liberté du propriétaire dans le sens ancien du droit commun.
    Selon les auteurs du droit ancien la liberté du propriétaire trouvait ses
    limites tout d'abord dans les droits d'autrui. R.J. Pothier par exemple
    écrivait sur ce point : "le droit de propriété, considéré par rapport à
    ses effets, doit se définir (comme) le droit de disposer à son gré d'une chose,
    sans donner néanmoins atteinte au droit d'autrui, ni aux lois". Cela impliquait que
    la coexistence seule des différents droits de propriété limitait déjà la
    liberté du propriétaire, et qu'il n'était point besoin de lois spéciales pour
    circonscrire la liberté d'action du propriétaire. La logique du système de
    propriété impliquait déjà ces limites.


    Plus tard, la
    doctrine quitta cette théorie et commença à interpréter le droit de propriété
    comme attribuant une liberté absolue au propriétaire. Si tel est le cas, il
    s'ensuit que l'Etat doit réglementer ces libertés absolues afin de préserver
    l'harmonie sociale. J.C.F. Demolombe, le "prince" de la doctrine
    française, écrivait : "...car le propriétaire ayant le droit le plus
    absolu et pouvant même abuser et mesurer de sa chose, ne saurait être arrêté
    dans l'usage auquel il l'emploie, ou dans la jouissance qu'il en retire, par
    les limites légales du droit spécial d'usage et de jouissance puisqu'il a le
    droit, lui, de dépasser ces limites en arrivant jusqu'à l'abusus ...". Si on applique cette
    dernière définition aux problèmes de la pollution, il s'ensuit que celui qui
    cause la pollution a le droit de le faire pourvu que cela ne soit interdit par
    une loi ou une réglementation spéciale. Paradoxalement, cette définition du
    droit de propriété, qui donne à première vue l'impression d'être très
    libertarienne, ouvre la porte
    sur une distribution étatique des coûts du voisinage.


    Cette nouvelle
    définition du droit de propriété coïncidait avec un changement de la théorie de
    la responsabilité civile. Comme on l'a vu, les troubles de voisinage étaient
    considérés par la doctrine et la jurisprudence comme des atteintes à la
    propriété, ce qui impliquait automatiquement une faute et la responsabilité de
    l'auteur des troubles. Au cours des années soixante -dix, le juriste allemand,
    von Jhering, développa une autre théorie dans laquelle la faute, comme critère
    indépendant, prenait une position centrale. Selon von Jhering le droit n'était
    point un système de droits subjectifs mais plutôt un ensemble de règles conçues
    pour arbitrer entre les différents intérêts. En manipulant le critère de la
    faute, les cours pouvaient jouer un rôle d'arbitre entre les intérêts concernés. En découplant la
    faute de l'atteinte à la propriété il devenait possible d'interpréter la faute
    dans un sens étroit, c'est -à -dire comme une infraction à un règlement ou aux
    conditions d'un permis. Ce dernier pas impliquait alors que l'Etat pouvait contrôler
    la responsabilité civile concernant les troubles de voisinage au moyen de sa
    politique de permis.


    Il convient de dire
    que la jurisprudence a longtemps hésité à tirer les conséquences de cette
    théorie. II faut attendre jusqu'à 1907 pour trouver un cas dans lequel la
    jurisprudence la consacre. Ce cas concernait le dommage causé par une activité
    d'entreprise, laquelle avait obtenu un permis. La Cour de Cassation justifiait
    le rejet de la demande de la façon suivante : "il y a sans doute un
    préjudice; mais il a sa cause, non dans une faute, mais dans la nature propre
    de l'établissement. Ce préjudice ne peut disparaître qu'avec l'établissement
    lui -même" (Cass., 24 juillet 1907, D.P. 1909; 1, 77). Une telle décision
    aurait été impossible sous la doctrine précédente de l'immissio.


    Plus tard d'ailleurs,
    la jurisprudence est revenue sur ce point de vue, et consacra de nouveau,
    notamment dans les années cinquante de notre siècle, la propriété et
    l'équilibre entre différents exercices de ce droit par les voisins comme
    critère de responsabilité civile. Cependant, la confusion qui avait régné dans
    la doctrine et la jurisprudence sur ce point et pendant les décennies cruciales
    de l'industrialisation, a vraiment paralysé la responsabilité civile comme
    instrument efficace de la protection de l'environnement.


    3.4. Conséquences de la défaillance institutionnelle du droit
    civil



    Les
    données de cette histoire sur l'évolution du droit pendant le dix-­neuvième
    siècle ne nous autorisent pas à avancer une thèse conspirationniste, selon
    laquelle les juges et les industriels auraient conspiré afin d'imposer aux
    propriétaires fonciers les coûts sociaux de l'industrialisation. Les juristes,
    qui sont familiers avec le processus complexe par lequel de nouvelles théories
    juridiques conquièrent graduellement les Palais de justice, savent qu'une telle
    version conspirationniste est très improbable. Au maximum, on peut supposer que
    les juges ont été influencés par l'atmosphère du temps, constituée par les
    écrits des philosophes et les économistes saint -simoniens.


    La cause de cette
    défaillance du droit civil doit être plutôt recherchée dans l'absence d'une
    philosophie consistante sur la fonction de l'ordre du droit en général parmi
    les juristes et les juges. En effet, la doctrine classique de l'immissio leur
    donnait la possibilité d'étendre la logique des droits de propriété aux
    nouveaux phénomènes de l'industrie et de la pollution. Une telle extension
    aurait rendu le système de permis en grande partie superflu.


    Apparemment, les
    juristes et la jurisprudence étaient peu conscients d'une telle dynamique de la
    logique du droit privé. Ils préféraient se concentrer d'une façon exégétique
    sur l'interprétation des textes de loi et limiter leur application aux cas qui
    y étaient expressément prévus. Aussi se refusaient
    -ils à développer une théorie qui pouvait constituer un lien entre les
    principes du droit de propriété et ceux de la responsabilité civile. Parce que
    ces deux institutions étaient traitées par le Code Civil en deux titres
    différents, de tels liens leur paraissaient inconcevables.


    Ce cas illustre bien
    comment la séquestration du droit privé dans les textes d'un code pouvait
    paralyser la dynamique de l'ordre juridique. Cette paralysie du droit a créé
    une lacune dans la protection des droits de propriétés contre les diverses
    formes de pollution qui se sont multipliées avec les années. Ainsi l'on peut
    comprendre que l'opinion publique ne voyait que dans une réglementation
    toujours croissante et des systèmes de permis toujours plus compliqués les
    seuls remèdes pour contrôler le phénomène de la pollution.


    Le revirement de la
    jurisprudence vers le critère du droit de propriété en ce qui concerne les
    troubles de voisinage ne donne point de soulagement. D'abord ce principe se
    trouve le plus souvent limité à des cas de voisinage, dans le sens littéral du
    terme. Il n'offre point de solution pour la pollution à grande échelle qui se
    disperse dans des territoires vastes. De plus, une fois que l'opinion publique
    s'est habituée à un système de règlements et de permis, il est difficile de
    rétablir la confiance dans les procédures de droit privé. Ces règlements
    donnent, comme nous l'avons déjà remarqué, une illusion de protection.


    Au contraire si on
    avait étendu la logique du droit de propriété et de la responsabilité civile
    d'une façon conséquente, il est bien probable que des techniques pour découvrir
    les causes - peut -être lointaines - de la pollution auraient été développées
    beaucoup plus tôt. Les victimes de la pollution se seraient d'abord tournées
    contre les pollueurs voisins. Ces derniers, sachant qu'ils risqueraient d'être
    condamnés, auraient eu un intérêt à découvrir les vrais coupables de la pollution.
    Il est aussi probable que les entreprises auraient beaucoup plus tôt conclu des
    accords mutuels portant sur le contrôle de la pollution.


    L'évolution de la
    doctrine et de la jurisprudence concernant les troubles de voisinage jette
    aussi une autre lumière sur le rôle du droit de propriété pour résoudre les
    problèmes posés par la pollution. Beaucoup de juristes, d'historiens, et
    l'opinion publique en général, sont convaincus qu'une réglementation était
    devenue nécessaire parce que le droit de propriété accordait aux pollueurs une
    carte blanche. Nous avons démontré que c'était bien le contraire. Le droit de
    propriété était considéré comme un obstacle à la croissance industrielle,
    tandis que le système de permis était utilisé comme moyen de relâcher la protection
    que le droit de propriété et la doctrine de l'immissio donnaient aux victimes
    de la pollution.


    Depuis quelques
    années les défaillances de la réglementation ont été démontrées dans une
    littérature abondante. Graduellement aussi l'opinion publique devient
    consciente du fait que les multiples règlements et systèmes de permis
    n'apportent qu'une illusion de protection. Dès lors, le moment est venu de
    tirer les conclusions de l'histoire et de propager le retour vers les
    instruments classiques du droit privé, appliqués alors en toute conséquence.
    Peut -être l'intégration européenne nous offre -t -elle une bonne chance pour
    cela. Une Europe du droit, au lieu d'une Europe
    réglementaire telle qu'elle existe maintenant, devrait certainement inclure
    dans son cadre juridique des règles générales et des procédures efficaces qui
    garantissent la protection de l'environnement comme partie intégrante des
    droits de propriété des citoyens européens.


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